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MÈME

DE

L'ACADÉMIE D’ARRAS,

SOCIÉTÉ ROYALE

DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS.

CO « RE » : e : ES iance ESS ubfique du 23 Décembre 1834,

RENE © Rrn=cencnme

ARRAS, GHEZ G. SOUQUET, IMPRIMEUR DU PROPAGATEUR,

RUE S'.-JCAN-EN-LESTRÉE, 47.

TOPINO, LIBRAIRE,

JUIN 1832.

P ARMES PAS

LAS Mis uv a

MÉMOmEs.

ES sance ESS uflique ÿu 23 Décembre 1831, | |

DISCOURS D'OUVERTURE

Par M. Prius, Président.

Messieurs ,

Réonis aujourd’hui pour publier les résultats du concours ouvert chaque année par l’Académie d’Ar- ras , C’est avec un sentimènt bien vif de satisfaction que je vois dans cette enceinte tant de personnes ho- norables, attirées par le seul intérêt qu’inspirent les

nobles efforts de l’intelligence.

Quand on a rempli ses dévoirs envers ler pays et la famille ; quand of a satisfait aux exigences de son état, quel plus noble emploi peut-on faire du tems que de se livrer à la culture des lettres? |

0 Les anciens avaient proclamé, comme üne vérité,

que le loisir sans les lettres est comme la mort et la sépulture de l’homme vivant ! *

En eflet, Messieurs, Diéu a doué l’homme d’un es- prit si actif; il l’a pourvu d’une intelligence si supé- rieure à tout ce qui l’entoure, que, faire servir ces précieuses facultés au bien de ses semblables, c’est rendre hommage à sa toute-puissance ; c’est accom- plir les préceptes de sa loi.

Les nations s’éclairent et se civilisent en raison de l'action des capacités individuelles. Mais, si à des ef-

forts isolés succèdent des efforts réunis, alors les lu- _mières s’accroïssent par progression; la civilisation s’ayance d’un pas rapide, et répand sur les peuples de nouveaux bienfaits.

En vain, quelques esprits, contrariés dans leurs vues ou préoccupés de craintes chimériques, vou- draient nier cette vérité : l’histoire l’atteste', partout les lumières ont pénétré , le bien-être de la masse s’est accru.

Les associations littéraires des départemens n’ont pas toujours été traitées avec l’indulgence à laquelle elles ont droit. Des critiques ont été dirigées contre elles avec peu de bienveillance. Cependant, si quel-

+ Otium sine lütteris mors est , el hominis vivi sepultura, Senec. Ep. 22.

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ques-unes de ces sociétés seulement se sont fait re- marquer par des productions brillantes, tontes ne coopèrent-elles pas à répandre le goût de l'étude et des choses honnêtes et utiles? Les concours qu’elles ouvrent excitent l’émulation, portent à l’examen de questions graves , et donnent quelquefois naissance à de grandes réputations. Cest un concours de l’Aca- démie de Dijon qui commença la célébrité de J. J. Cest-là que, rabaissant les lettres qu'il cultivait . avec tant de succès, devant des juges qui faisaient profession de les aimer, on vit cet écrivain aussi il- lustre que singulier, accuser les muses de eorrompre les mœurs , de pervertir la société! Mais la raison fit bientôt justice de ce paradoxe, dont il n’est resté que le style magique qui lenveloppait.

Les lettres, dites-vous, ont corrompu les mœurs! Pourtant les plaisirs de l'esprit sont de tous les plai- sirs, ceux qui procurent les jouissances les plus pures et les plus convenables au bonheur de l’homme. Ils sont à la portée de tous; un mot, une phrase, une pensée vraie et bien exprimée les produit. Ils n’ap- portent ou ne laissent dans le cœur ni mécontente- ment de soi ni d'autrui; ni chagrins, ni remords dans l'ame. Bien différent, de ces dissipations qui étour- dissent, fatiguent et ne satisfont pas, les plaisirs in- tellectuels occupent agréablement l'imagination , la nourrissent d’un aliment salutaire, et font trouver

À

d’heureuses compensations à tout. Dans la médio- crité, ils font oublier les richesses; dans l’adversité et la maladie, ils calment les souffrances de l’ame et les douleurs du corps ; quand une fois on les a goütés, on estime un peu moins les autres plaisirs, et, à me- sure qu’on se livre aux premiers, on perd facilement l'habitude des seconds. |

Les lettres aiment la liberté. Sans liberté, la pen- sée se comprime, s’altère et dégénère en une formule servile , qui égare.

Mais, si les lettres aiment la liberté, elles abhor- rent la licence. L'une les ennoblit et les vivifie ; l’au- tre les dégrade et les tue.

En France, un roi dont le dévoument à la patrie est un {itre imprescriptible à notre amour, veille à la conservation des droits de tous. Une législation large et vraiment libérale, en s’attachant à réprimer - les excès de la presse, a rendu en même tems, par des dispositions sagement combinées , l'oppression et l'arbitraire impossibles. Bénissons donc la providence qui nous a donné un tel roi et une telle patrie.

Jeunes gens qui brülez de l’amour du savoir, ac- courez à nos concours. Engagez-vous avec confiance dans ces luttes, la défaite même n’est ni sans gloire, ni sans douceur; et, si vous craignez de pa- raître céder aux excitations de l’amour-propre en y

venant cueillir des palmes, que votre conscience se rassure en vous rappelant que vous ne faites que rem- plir l’une des fins de l’homme, celle d’être utile à vos semblables, en faisant tourner à leur profit et l'esprit et l'intelligence que vous avez reçus de Dieu.

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apport

SUR LES TRAYAUX DE LA SOCIÉTÉ, | | PENDANT LES ANNÉES 1830 er 1854,

Par M. Hanvavize, Secrétaire - Adjoint.

Messieurs,

7 ES Vuvupatione multipliées que ses fonctions im- posent à votre secrétaire perpétuel, M. Cornille, ne lui ont pas permis de se livrer à la rédaction du rap- port général de vos travaux. Quels que soient ses re- grets à cet égard , les goûts de l’homme de lettres ont s’effacer devant les devoirs du magistrat. A ppelé à Le suppléer, puissai-je répandre le même intérêt sur les matières dont j’ai à vous entretenir.

Avant d’en commencer la série, permettez-moi de vous féliciter de ce que la crise sociale qui depuis votre derniére séance publique a changé les desti- nées de la France , w’a pas ralenti la marche de vos

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* investigations scientifiques, ni diminué létendue de vos relations. Le déplacement occasioné dans quel- ques existences publiques, par le nouvel ordre de choses, vous a fait perdre, il est vrai, plusieurs eol- laborateurs estimables , à la séparation desquels vous avez accordé de justes regrets; mais vous les avez remplacés, Messieurs, par des choix non moins dis- tingués, et plusieurs de ceux que vous avez appelés au fauteuil académique, vous ont déjà donné des fruits de leurs veilles studieuses , des gages de leurs talens. Le compte rendu de vos travaux qui comprend deux années, prouvera que la société a exploré avec succès plusieurs parties du vaste domaine des sciences, des lettres et des arts.

ar SECTION. SCIENCES. MATHÉMATIQUES.

M. Blouet, professeur de l’école royale de naviga- tion au port de Dieppe, vous a fait hommage d’un Mémoire sur l’utilité indispensable des sciences exac- tes en général, et des muthématiques en particulier dans l'éducation de la jeunesse. L'auteur y expose avec une chaleur entraïinante les avantages de l’é- tude des sciences exactes, mais M. Donop, au nom de la commission que vous avez chargée d'examiner cet ouvrage, vous a fait remarquer que l’auteur a né- gligé de préciser la méthode d'enseignement à suivre,

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depuis les premiers élémens de la géométrie et du calcul numérique ; ni fait sentir la liaison intime de la pratique de la première de ces sciences, et de la théorie des opérations de la seconde. Il TA en effet, faire voir que dans la géométrie les cures nent le principal rôle, cette science exigeant des opérations appelées graphiques au moyen des figures dont elle démontre les propriétés, et dont elle ex- plique le but et la nécessité.

Le mérite de cette production qui a particulière- ment fixé votre attention, vous a décidé à admettre M, Blouet parmi vos membres correspondans:

MÉTÉOROLOGIE.

MM. Buissart et Demissy, dont vous regrettez l’u: tile coopération, ont continué pendant l’année 1830 la série de leurs observations thermométriques et ba- rométriques. Cette suite d’observations faites avec le plus grand soin pendant plusieurs années, vous donne le moyen d'établir la statistique météorologique de cette contrée . et d’en fixer la température moyenne,

CHIMIE.

Vous devez à M. Clémendot , fabricant de sucre indigène à Beaumetz-lez- Loges, distingué par ses connaissances spéciales, un Essai de chimie et obser-

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vations pratiques sur la fubrication da sucre de bette- raves. La commission que vous avez chargée de vous rendre compte de cet ouvrage n’a pas encore fini son travail, mais tout nous fait espérer que nous aurons a annoncer l’année prochaine, que M. Clémendot aura enrichi la science de quelques nouveaux procé- dés de fabrication.

MÉDECINE ET CHIRURGIE.

M. Duchateau, membre résidant, vous a lu des observations sur ’eficacité de l'emploi de la Salicine dans les fiévres intermitientes. Ces observations ont donné lieu à un rapport de M. Leviez. Il s’agit de remplacer un médicament exotique, le quinquina, que des circonstances politiques rendent quelquefois très cher et difficile à obtenir, par une substance in- digène extrêmement commune, puisqu'on la retire du saule. Cest à M. Leroux, pharmacien à Vitry-e- Français, qu’est ce précieux rémède, L'on doit savoir gré à MM. Bernard et Duchateau de lavoir employé comparativement au sulfate de quinine , et de vous avoir communiqué le résultat de leurs expé- riences. :

M. Dachateau vous a aussi fait hommage, d’un ‘exemplaire lithographié d’un tableau synoptique des présentations et des positions du fœtus au détroit ab-

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0 = dominal, indiquant les différens systèmes sur ces présentations et positions.

D’un rapport sur deux monstruosités de fœtus humain offrant des phénomènes remarquables.

M. le doctear Nicod vous a adressé un recueil d'observations médicales confirmant la doctrine de Ducamp, sur les maladies des voies urinaires. Vous devez suspendre toute opinion sur cet ouvrage jus- qu’à ce que votre commission ait donné son avis.

. M. Dassonneville, membre résidant, vous a lu un mémoire très intéressant, intitulé £ssai sur la vie et les professions sédentaires. Cet ouvrage qui renferme d’exellens aperçus de statistique hygiénique, est la thèse de l’auteur pour le doctorat.

BOTANIQUE,

Vous devez à M. Desmazière, membre correspon- dant, quatre brochures. La première intitulée : Obser- vations sur le mucus crustaceus ; la deuxième, obser- vations cryptogamiques; la troisième, note sur la fructification du phormium tenax ou lin de la nouvelle Zélande; la quatrième, observations sur le /ycuperdon radiatus.— Le mème collègue a continué l'envoi des fascicules des plantes cryptogames du nord de la France.

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M. Lestiboudois, membre correspondant, vous a fait hommage de sept brochures renfermant des vues nouvelles sur la physiologie végétale, et de curieuses observations sur la fructification , la struc- ture et les organes floraux de divers genres de plantes. _

Vous avez témoigné toute votre reconnaissance à ces deux botanistes distingués.

Enfin, M. Duchateau vous a remis le catalogue de plus de 200 cryptogames trouvés dans les environs d'Arras, par M. Thuïller, pharmacien.

ÉCONOMIE POLITIQUE.

La mendicité, cette lèpre hideuse de la civilisation; et les moyens de la réprimer , ont été souvent l’objet de votre sollicitude. Déjà, en 1824, vousaviezouvert un concours pour signaler les causes de ce fléau dans le département et les moyens d’y remédier; ce con- cours, entr’autres documens intéressans, produisit le mémoire de M. Thibaut que vous avez couronné, et le profond et lumineux rapport de M. Leducq..Sur l'invitation du premier magistrat de ce département, vous avez, en 1829, nommé une commission-pour examiner la série de questions relatives à la colonisa- tion des indigens, mesure adoptée avec succès en Belgique, et dont les événemens politiques ont seuls

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empèché la réalisation en France , ou tant de landes et de terres vagues livrées à la culture pourraient être fertilisées, tout en rendant a la société , à la vie morale, tant de familles que la misère a flétries en les marquant de son sceau. Au mois d'octobre 1829 , et pour satisfaire à la lettre de M. le préfet qui prie la sociélé d'examiner le mémoire de M. Thibaut , et le rapport de M. Leducq, et de lui faire connaître les moyens de coordonner et de mettre en pratique les vues que ces ouvrages renferment, vous avezrenvoyé celte recherche à l’examen d’une commission; les do- cumens qui sont le résultat de son travail ont été transmis à l'autorité supéricure , et nous avons le droit d’espérer que ces vues d'amélioration ne seront pas perdues. |

M. Leviez vous a communiqué un projet d’asso- ciation pour l'extinction de la mendicité.Il prouve la nécessité de centraliser les moyens de secours. Vous avez manifesté l'intention que ce projet éminem- ment philantrophique soit inséré dans la réponse à M. le préfet, dont nous venons d’avoir l'honneur de vous parler.

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SECTION. LETTRES. HISTOIRE.

Les lettres sur l’histoire de France de Thierry, ont appelé l’attention publique sur la révolution com-

munale du 12° siecle ; en puisant aux sources origi- nales si négligées jusqu'ici, lhistorien a rendu à cet événement trop défiguré, toute l'importance qu'il mérite.

Stimulé par cet exemple, et désireux de faire con- naître l’origine et les variations de l’histoire commu- nale de cette ville, votre secrétaire-adjoint a exhumé de la poussière de l’oubli les faits qui s’y rattachent, ilvous a fait hommage d’un mémoire ayant pour titre : « Recherches historiques sur l’organisation communale » de la ville d’.Arras dans le moyen âge.»

Ce mémoire résume d’abord l’histoire civile d'Arras “depuis Charles-le-Chauve; et arrivé à la mémorable époque de Paffranchissement des communes, il ana- lyse les chartes qui consacrent les franchises de notre antique cité; il déduit les circonstances soit inté- rieures soit politiques qui les ont fait naître ; il con- duit ainsi son récit jusqu’au moment où, rangée par la conquête sous le niveau du droit commun de la France en 1640, Arras vit réduire ses droits à des formes presque nominales,

Ces faits prouvent que nos ancêtres ne sont pas restés étrangers au mouvement communal du 12° siècle, qu’ils ont compris cette nécessité de l’époque, et qu'ils ont su maintenir leurs institutions au mi- lieu des orages politiques et des dominations qui se

= |d sont succédées dans ce pays, pendant plus de cinq

cents ans. ' MORALE.

Vous devez à M. Philis, votre président, une

dissertation sur l'influence du climat, dans laquelle il combat Les opinions émises par différens auteurs, no- tamment par Montesquieu, relativement à cette pré- tendue influence sur le moral et le physique des peu- ples. Il cite à Pappui de son opinion les Egyptiens, les Grecs, les Romains, les Portugais, etc., qui ont éprouvé de grands changemens dans leurs mœurs, quoique restant toujours sous le même climat. Dans cette dissertion, M. Philis réfute les observations ha- sardées contre les paysans provençaux par M. Mil- lin , dans son ouvrage intitulé : Voyage dans le midi de la France; et lui oppose le témoignage d’auteurs dignes de foi qui ont séjourné dans le pays, notam- ment celui du célèbre Saussure. Vous avez accueilli cette production avec tout l’intérêt que compartent le sujet et le talent de l’auteur; et nous sommes au- torisés à vous annoncer que M. Philis doit incessam- ment vous offrir la seconde partie de cet ouvrage qui achèvera de discréditer une opinion erronnée, long- tems appuyée sur le grand nom de Montesquieu.

Votre secrétaire-adjoint vous a lu l’analyse d’un ouvrage qu’il se propose de publier, ayant pour titre :

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Des Sectes politiques religieuses qui ont pruclamë le système du nivellement. » L'apparition au 19° siècle d’une secte qui remet en question la propriété, et qui tend à établir la classification sociale des individus en raison de leur capacité, est un des phénomèmes les plus curieux de notre époque si fertile en événe- mens.£En examinant la doctrine des adeptes de Suint- Simon, j'ai remarqué que le système de cette société n’a pas même le mérite de la nouveauté, et que les rêveries qui en font la base ont été depuis une haute antiquité la chimére des esprits inquiets et turbulens, et de sectaires enthousiastes. Ce mémoire , après un préambule sur l’origine du droit de propriété, cause et fin du pacte social, recueille les notions historiques: d’abord sar l'institution de Lycurgue, sur quelques sectes philosophiques de l’ancienne Grèce, sur les brouillons politiques qui, à l’occasion de la loi agraire, faillirent bouleverser la société à Rome ; il suit toutes les sectes qui, depuis l’avènement du christianisme, ont proclamé la communauté des biens en usarit d’une fausse interprétation des textes sacrés. Il conduit cette série de niveleurs jusqu’à l’époque de la pre- mière révolution française , à l'ombre des boulever- semens de laquelle de hardis novateurs n’ont pas manqué de reproduire ces absurdités anti-sociales, dont le bon sens public a fait justice. Il consacre en- fin quelques pages à l'examen dela doctrine St.-Simo-

ss 16 = nienne , et signale tous les dangers d’un système qui tendrait à anéantir en France la famille et la société.

LITTÉRATURE.

M" Elisabeth Celnart, de Clermont-Ferrand, vous a adressé un mémoire intitulé : De l’Eclectisme en littérature. Vous avez apprécié Le mérite de cette pro- duction qui décèle des principes sains et des connais- sances approfondies dans les matières littéraires, et vous vous êtes empressés d'admettre l’auteur parmi vos membres correspondans.

Vous avez reçu de M"* Clément-Hémery plusieurs livraisons de ses Promenades dans l’arrondissement d’Avesnes, ouvrage digne de l'estime dont il jouit dans nos contrées, parce qu’il réunit au mérite des recherches historiques, le goût des arts, la connais- sance des hommes et des choses.

La même Dame vous a fait hommage d’une nou- velle manuscrite intitulée : Æurélie. Cette anecdote intéressante et dont le fonds cst vrai, tend à prému- nir le sexe contre l’abus d’une direction religieuse peu éclairée.

_ Vous avez déjà accordé à notre compatriote, ma- dame Clément- Hémery, une palme académique dans un des derniers concours; les productions dont nous venons de parler lui ont donné de nouveaux droits à

17 votre reconnaissance , et vous lui avez conféré le ti tre de membre correspondant.

M. Frédéric Degeorge, membre résidant, vous a lu un de ses ouvrages, le Portrait politique et litte- ratre de M. de Chateaubriand. Cette notice distribué à-la-fois l’éloge et le blâme ; l'éloge au littérateur , le blâme au publiciste. Aussi, lPauteur du Génie du Christianisme et des Martyrs, plus sensible au mérite littéraire justement apprécié, qu'aux titres, que des circonstances différentes lui ont donnés comme homme public, s’est-il empressé de rendre justice à l’impartialité du jugement porté par notre collègue. Cet ouvrage, du reste, étant déjà imprimé, n’appar- tient plus à la société, le public en est le juge.

POËSIE,

Nous ne devons pas nous étonner que les graves questions qui intéressent l’ordre social tout entier, fassent négliger le culte des muses, parce que la vie publique qui résulte de nos débats parlementaires, et des discussions économiques et industrielles imprime aux esprits un caractère plus sérieux, qui semble peu favorable aux écrits l’imagination seule joue un rôle brillant. Mais que l’on déduise de cette tendance vers les choses positives, la conséquence que la poé-

sie soit un genre faux qui n’aurait d’autre mérite que 3

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Ja difficulté vaincue; nous nous éléverons contre ce paradoxe, contre cette altération du goût, qui n’est heureusement partagée que par très peu d'hommes vraiment instruits. La poésie compte encore d’autres ennemis qui, novateurs hardis, cherchent à se frayer ane route inconnue, en s’affranchissant de toutes rè- gles ; qui se livrent à tous les écarts, en aflectant le dédain pour les supériorités qui ont placé la France à la tête du monde littéraire. Il ne nous appartient pas de trancher la question entre les classiques et les romantiques , nous nous bornerons à penser que ce qui n’est que bisarre, ne peut avoir le cachet de la durée; nous croyons même que ceux qui préten- dent effacer Racine, ne pourront pas s'appliquer ce qu'Ovide disait de ses écrits avec la conscience de sa force : Quod nec poterit férrum nec edax abolere velustas.

Non, Messieurs, le genre barbaresque , le néelo- gisme ne prévaudra pas contre l’ingénieuse combinai- son dela pensée et du rhytme harmonieux, qui flatte J'oreille par la mesure, charme l'esprit par des fic- tions, émeut lame par des figures vives et des images variées. Telle est la poésie, la langue des Dieux, la poésie de celui-qui à tout dit, Voltaire, a nommé la musique de l’ame.

M” Elisabeth Celnart est auteur d’une composi- tion très gràcieuse intitulée : lors aimer sl n’est rien.

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Vous devez au talent de M. Auguste Moufle, membre correspondant, une élégie 7 pour titre-= & Pére nourricier.

Clément Hémery vous a aussi: fait part des _ fruits de sa muse, et vous avez entendu avec intérêt Ja lecture de-son Fr intitulée-: /e Torrent.

Vous avez encore reçu d’autres pièces de poésie. Je ne vous fatiguerai pas de leur nomenclature.

T1 me reste le- regret que les bornes de ce rapport ne me permettent pas d'extraire de ces poésies quel- ques citations : vous remarqueriez dans la plupart des morceaux que je viens d’'énumérer , une harmonie soutenue et de chaleureuses inspirations.

8" SECTION. ARTS. ÆGRICULTURE..

M. Devred, membre correspondant, cultivateur à _ Fline, vous a fourni des renseignemens, résullat de ses expériences, sur les moyens de préserver les ré- coltes. des pluies par le secours de toiles imperméables. Vous n’avez pu qu’applaudir aux excellentes inten- tions del’auteur, tout en présumant que cetteméthode n’était pas susceptible d’être appliquée sur une grande échelle; vous aviez déjà porté le même jugement à l’occasion des paragrèles inventés par M. Lapostole, d'Amiens, et dont le but était de prévenir les ravages d’un météare destructeur.

= 20

, Le mème collégne vous a fait parvenir des détails sur un petit semoir à la main, dont il est l'inventeur. Cet instrument, confectionné en cette ville par les soins de MM. Hallette et Leviez, a été soumis au con- seil d'agriculture du département, qui en a recom- mandé l’emploi comme très avantageux sous le double rapport de l’économie de la semence et de l’espace- ment des lignes.

M. Dubrunfaut, membre correspondant, a conti- nué de vous adresser les diverses livraisons de son ouyrage l’agriculteur manufacturier. L’estime dont ce recueil jouit nous dispense d’en faire un nouvel éloge. Fu

ARCHÉOLOGIE.

Je suis heureux de vous annoncer que cette im- portante partie de la science fournit à notre analyse une ample moisson.

M. Rigollot fils, membre de l'académie d'Amiens, et votre correspondant, avait publié, en 1627, un mémoire sur l’ancienne ville des Gaules, qui a porté lenom de Samarobriva. Par la coïncidence des textes des auteurs anciens, avec l'itinéraire d’Antonin, et la carte théodosienne plus connue sous le nom de table de Peutinger, il avait victorieusement établi que "M. Maängon Delalande , s'était trompé en soutenant dans sa dissertation publiée en 18295, que Samoribriva

était St.-Quentin, capitale du Vérmendois, et non pas Amiens. Notre collègue avait prouvé d’une ma- nière irréfragable que cette dernière ville pouvait seule revendiquer cet ancien nom. Dans un second mémoire dont M. Rigollot vous a fait hommage, ce savant ajoute s’il est possible de nouvelles preuves à l’appui de l’opinion qu’il avait soutenue dans son premier ouvrage; ces preuves il les tire des légendes et des chroniques que nous a laissées le moyen àge. De cette lumineuse discussion, il résulte pour tout homme impartial la conviction que Samoribriva est Amiens, et que St.-Quentin qui n’est autre que le vicus 8. quintins, n’a même aucun droit à prétendre au nom d’Auqgusta viromanduorum, qui appartient à Vermand, localité située à deux lieues sur une an- cienne voie romaine.

Vous devez à M. Marmin, membre correspondant, une dissertation d’un haut intèret sur divers fragmens de lames de bronze avec bas reliefs, trouvées dans des fouilles faites près de Boulogne; et vous avez regardé comme très plausible l’opinion de lauteur sur la date de ces antiquités.

Le docteur Leglay , membre correspondant, vous a fait hommage de deux brochures, la première inti-_ tulée : « Conjectures nouvelles sur l'emplacement du » champ de bataille, César défit l'armée des Ner- » viens. » Il serait difficile de faire un usage plus ju-

99 dicieux du texte des commentaires de César et au: tres auteurs, et de tirer un meilleur parti des preuves matérielles que l’auteur a pu rassembler pour arriver à une solution satisfaisante.

Le second ouvrage de notre savant collégue, a pour tre : Lettre sur les duels judiciaires. L'auteur re- monte à l’origine de cette espèce de droit ou de jus- tice barbare introduit en Europe dès le principe de la féodalité. Il suit cette coutume dans toutes ses pha- ses, et nous fait connaître des particularités curieuses, fruit de ses recherches, et de la connaissance appro- fondie de l’ancien droit public.

Les restes vénérables des monumens dont le moyen age avait doté la France, ces ruines qui attestent à-la- fois les ravages du tems et le délire destructeur des passions humaines, disparaissent de notre sol avee une effrayante rapidité. Le gouvernement a senti le besoin d'arrêter le cours de la dévastation, et de conserver ces débris comme sujets d’études pré- cieuses pour les arts.

C’est dans cette vue que le voyage scientifique de M. Vitet, inspecteur-général des monumens histo- -riques de France a été entrepris.

Ce savant a exploré les départemens de l'Oise , de PAisne, de la Marne, du Nord, et du Pas-de-Calais; il a visité la plupart des monumens remarquables , les bibliothèques, les archives et les musées. Son rap-

port à M. le ministre de l’intérieur vous a paru offrir un grand intérêt. Empreint de l'amour éclairé des arts, cet ouvrage seul réhabiliterait l’architecture gothique , si déjà l’on n’était assez généralement re- venu de l’injuste préjugé qui , dans le siècle dernier, s'était attaché à ce genre imposant et hardi. Vous avez déploré avec M. Vitet, la barbarie avec laquelle on achève de mutiler les plus magnifiques débris de cet ordre , les ruines de l’église de St.-Bertin, à St.- Omer ; mais vous avez regretté que le savant voya- geur ait pareouru trop rapidement le département, pour pouvoir signaler toutes les richesses qu’il possède en ce genre. M. Vitet se plaint avec raison de la pro- fonde solitude que l’on remarque dans ies biblio- thèques publiques des départemens, et il gémit du déplorable abandon sont réduits ces vastes dépôts scientifiques. On ne peut que recommander à l'intérêt des administrations locales les vues judicieuses qu’il indique pour rendre un public aux bibliothèques.

M. Eugène Dusével vous a fait hommage d’un Mémoire sur les anciens monumens de l'arrondissement de Doullens. L’académie d'Amiens avait proposé pour sujet de prix, des recherches sur les anciens monu- mens du département de la Somme : cette compagnie, dans sa séance du 28 août 1831, a décernéle prix

à M. Dusével. Son ouvrage nous fait connaître tout ce qui reste de monumens celtiques, gaulois ;

24 | romains, et du moyen âge dans l'arrondissement de Doullens. Guidé par un esprit consciencieux, l’auteur n’a rien négligé pour éclairer son travail du flambeau des recherches historiques, ou à leur défaut par une sage et lumineuse discussion des traditions conservées dans ie pays. Ce mémoire en un mot vous a paru digne des éloges que les journaux du départe- ment de la Somme lui ont décerné dans leurs co- lonnes.

À la place de lélégante façade du Musée que l’ad- ministration vient de faire construire en cette ville, existait un monument d'architecture gothique mêlée, et d’assez mauvais goût, mais vénérable par son an- tiquité. Il dépendait de l’ancien hôtel-dieu fondé par le chapitre de la cathédrale, vers l’an 1224, en vertu de la décision du concile d’Aix-la-Chapelle, tenu l'année précédente. Un dessin au talent de M. Gautier, et que cet habile professeur a bien voulu vous offrir, est maintenant tout ce qui rappelle ce monument. Vous avez décidé de le reprodyire par la lithographie dans le prochain volume de vos mémoires.

DESSIN LINÉAIRE.

L’instruction primaire vous a toujours paru le meilleur moyen pour assurer la moralité et l’aisance des classes laborieuses, vos concours sont pour

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témoigner de vos constans efforts vers ce noble but. Parmi les moyens qui contribuent par des méthodes sûres et des applications précises à la perfection des arts. mécaniques , le dessin linéaire tient le premier rang. M. Auguste Bourgois, animé du louable désir de communiquer aux jeunes ouvriers de cette ville une solide instruction , a dévoué généreusement son tems à servir cette belle cause : il a fondé depuis 18 mois un cours gratuit de dessin linéaire et d’architec- ture. Ses efforts ont été couronnés du succès, et déjà cette école compte environ 50 élèves. C’eût été peu. pour la société royale d’applaudir au zèle de ce jeune et estimable professeur; fidèle à sa devise, la société, . essentiellement encourageante, a nommé, le 19 août dernier, une commission pour examiner les travaux des élèves de ce cours. Sur son rapport, tout à l’avan- tage de la méthode, vous avez témoigné au professeur toute votre satisfaction de son zèle désintéressé et des résultats qu’il a obtenus.

Vous avez enfin décidé que des encouragemens seraient décernés aux meilleurs élèves de M. Bour- gois, que leurs dessins seraient exposés dans la salle de votre séance publique, et que leurs noms seraient proclamés par M. le président. Cette exposition fera connaître mieux qu’une analyse toutes les divisions de. l’enseignement. Voilà , messieurs , out ce que vous

avez pu faire avec vos propres moyens pour encoura-

4

—. 96: ger cette institution. Nous espérons que cette mention éveillera en faveur du cours de M. Bourgois, toute la sollicitude de l'autorité municipale, qui s’empressera, nous aimons à le croire, de placer à la charge de la ville, un établissement qui la dotera d’ouvriers intel- ligens et habiles.

LITHOGRAPHIE,

La Hthographie est l’auxiliaire de l'imprimerie; elle est maintenant parvenue à un point de perfec- tion qui la rend précieuse pour les arts. En effet, elle reproduit le dessin, quel qu’il soit, avec plus d’avan- tage et de précision que la gravure, et à des prix bien moins élevés.Lalithographie, à son aurore, excita tout votre intérêt, lorsqu’en 1821 vous fites l’acquisition d’ane presse papirographique d’après le procédé de M. Senefelder. Vous avez applaudir à l’entreprise de MM. Chapron et Grandguillaume qui viennent de fonder une imprimerie-lithographique, établissement qui manquait à notre ville et au département. La so- ciété ne pouvait manquer d’en accueillir l’ânnonce avec faveur, et de recommander cette utile entre- prise à l’intérêt de nos concitoyens.

Nous arrivons, Messieurs, au terme de ce rapport, en regrettant toutefois que les limites qui me sont imposées par l’ordre des lectures de cette séance so-

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lennelle, ne me permettent pas de vous analyser dif- férentes autres productions que vous avez appréciées, ni de vous entretenir des matières intéressantes que vous avez élaborées dans le calme studieux de vos séances ordinaires. Le rapport que vous allez en- tendre sur les concours de 1830. et 1831 , complètera la série de vos travaux.

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SUR LES CONCOURS DE 1530 ET 1831,

Par M. Lenuco, Juge. de-Paix.

Messreuns,

CHARGÉ par vous de résumer, dans cette séance pu- blique, les résultats des concours que vous avez ou- verts pour les années 1830 et 1831, ma tâche sera malheureusement peu difficile à remplir.

Depuis deux ans toutes les pensées, toutes les sen- sations et les inspirations ont été absorbées par les intérêts de la politique et par les graves événemens qui ont préparé, accompagné et suivi notre dernière révolution sociale. A côté de ces grands intérêts qui embrassent le présent et l’avenir, toutes les autres questions, tous les sujels spéciaux, se sont évanouis

99. rapetissés , et n’ont plus paru que secondaires ou accessoires.

N’en doutons pas, Messieurs, telle est la cause qui s’est opposée au succès de votre concoars de 1830.

Voici quels étaient les sujets de ce concours :

_ Quelles sont les améliorations dont sont suscep- tibles les prisons du département du Pas-de-Calais ?

Un seul mémoire vous a été envoyé sur celte ques- tion; mais vous avez jugé qu’il n'avait pas atteint le but proposé, et vous n’avez décerné aucun prix à son auteur. |

Quelles seraient dans ce département les avan- tages et les inconvéniens de la substitution du bœufau cheval pour le labourage ?

Vous n’avez également reçu qu'un seul mémoire sur cette question. Si l’on peut donner ce nom à une courte dissertation qui effleure, plutôt qu’elle ne traite le sujet.

L'opinion de l’auteur est qu'il y aurait de l'incon- vénient à substituer le bœuf au cheval dans les gran- des fermes ; mais que l'usage des bœufs-ou même des vaches serait d’un très grand avantage pour les pe- tites cultures.

Malgré l’exiguité et l’insnffisance de ce travail, vo- tre commission avait proposé d'accorder une mention honorable à l’auteur, à titre d'encouragement; mais

= 30 plus sévère ou plus juste, la majorité de la société s’est bornée à ordonner le dépôt de cette esquisse dans ses archives.

° La troisième question mise au concours était ainsi conçue : « De Paris, de son influence sur les » sciences, les arts et les mœurs de la France : du sys- » tème de centralisation , de ses effets sur la civilisa- » tion et la prospérité du royaume. »

M"* Celnart, de Clermont-Ferrant, vous a envoyé sur cette importante question un mémoire rédigé avec talent, et auquel vous avez accordé une mention honorable. |

La centralisation a sans doute de graves inconvé- niens , mais elle a aussi ses avantages, et l’auteur ne Va envisagé que sous le point de vue des inconvé- piens et des abus. Son travail vous a donc paru in- complet , et c’est par ce motif que vous ne lui avez décerné qu’une simple mention honorable.

Au surplus, vous avez accordé un autre prix au ta- lent de M"° Celnart, en la recevant au nombre de vos membres correspondans.

Sous le régime des institutions modernes, quelle serait la meilleure manière d’éorire l'histoire ?

Quelle a été l'influence des ouvrages de Charles de l’Ecluse, à Arras, sur les diverses branches de l'histoire naturelle ?

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Aucun mémoire ne vous est parvenu sur ces deux questions.

Le sujet de poésie avait été laissé pour la pre- mière fois au choix des concurrens, cet essai n’a pas été heureux : aucun des morceaux de poésie qui vous ort été envoyés n’a paru digne de la palme académique.

CONCOURS DE 1831.

Les sujets de prix que vous avez proposés pour cette année sont : |

UTILITÉ PUBLIQUE.

Quels sont les inconvéniens et les avantages des banques de prêt, connues sous le nom de mont-de- piété? Quelles sont les améliorations dont elles sont susceplibles , principalement en ce qui concerne les frais de leur administration intérieure et le taux des tniérêts qui y sont perçus ? |

- MORALE PUBLIQUE,

Quels sont les moyens à prendre pour venir au se- cours des condamnés qui ont subi leur peine, sans les assujélir à une surveillance qui les signale à la ré- probation publique et les dégrade à leurs propres yeux, sans toutefois les abandonner entierement à eux-mêmes ? | |

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3 INSTRUCTION PUBLIQUE:

En attendant que le gouvernement ait opéré les changemens reconnus indispensables dans le système. des études clossiques, ne pourrait-on pas, par des mo- difications graduelles, d’une exécution et d’une appli- cation faciles, donner aux collèges actuels une meilleure direction, qui serait une espèce d'état trans- tlotre ?

4 POÉSIE:

La liberté ranimant les cendres de Guillaume Tell sur les Monte Helvetiens ?

Vous avez nommé des commissions spéciales pour -examinér les divers mémoires et morceaux de poésie envoyés au concours. Des rapports particuliers vous ont été faits au nom de ces commissions, par MM. Billet, sur le sujet relatif anx monts-de-piété ; Lenglet, sur le sujet relatif aux forçats liberés; Sau- vage, sur le concours de poésie, et Leducq, sur le sujet d'instruction publique. Ge sont ces rapports particuliers et vos décisions que je dois résumer en ce moment.

Le mémoire unique que vous avez reçu sur la question relative aux monts-de-piété, porte pour épi- graphe ce passage Pre épitre au peuple de Saint- Thomas :

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« Peuple! D’autres flattent les grands, c’est pour » toi que j'écris. » - Ce mémoire n’est pas sans mérite, mais vous avez jugé que l’auteur n'avait pas atteint le but, et qu'il s'était trompé sur les moyens. Nous avons cru oppor- tun de faire précéder le compte sommaire que nous devons en rendre, de quelques observations géné- rales sur les monts-de-piété.

Ces établissemens sont-ils utiles ou préjudiciables à la classe indigente ?

Cette question se présente d’abord à l'esprit dès qu’il s’agit de monts-de-piété.

Elle peut paraître susceptible de controverse; ce- pendant , en évitant le sens absolu , la difficulté s’applanit.

Les monts-de-piété, considérés comme entreprises de spéculation, sont évidemment funestes aux mal- heureux forcés de recourir à un crédit ruineux. Dans ce cas les emprunteurs sont les contribuables, les tri- butaires de l’entreprise, dont les bénéfices se com- posent d’une espèce de dixme prélevée sur la sub- stance du pauvre.

Les monts-de-piété, au contraire, considérés comme établissemens de bienfaisance , sont d’une utilité non contestée ; ils sont, dans bea ucoup de circonstances, une ressource spéciale aussi précieuse que peuvent

Ù

ei

l'être dans d’autres circonstances un hôpital pour le malade, ou du travail pour l’ouvrier valide

Il ya donc lieu de changer la question et d’exa- miner si les monts-de-piété, tels qu’ils sont organisés maintenant, doivent être considérés comme établisse- mens de bicnfaisance ou comme établissemens de spéculation appuyés sur le monopole ; nous aurons principalement en vue celui d'Arras, parce que c'était surtout pour cet établissement que le sujet avait été mis au concours.

L'institution des monts-de-piété est très ancienne : celui d'Arras a été fondé au commencement du dix-septième siècle ; sans doute que ces établissemens ont été reconnu nécessaires ou utiles, puisque l’on a rétabli ceux qui avaient été supprimés, et que l’on en crée chaque jour de nouveaux.

Les monts-de-piété, comme beaucoup d’autres éta- blissemens , appellent d'importantes améliorations pour avoir le caractère non équivoque d'institutions de bienfaisance.

. Il en est cependant qui ont uniquement cette loua- ble destination. Le rapporteur de votre commission (M. Billet), vous a parlé de celui de Montpellier où, depuis plus d’un siècle, le prêt est absolument gratuit.

Le capital de ce bel établissement se compose et

s’accroit successivement de dons et legs faits par des personnes aisées ct charitables.

L’impulsion ést donnée dans cette localité et les fonds ne manqueront jamais.

Nous pourrions citer aussi le mont-de-piété de Brignoles , dans le département du Var, régi par une administration gratuite et charitable, composée de cinq membres, qui remplissent alternativement les fonctions de directeur, de caissier, de garde-magasin et d’appréciateur, de sorte que les frais d’administra- tion sont presque nuls.

Lorsqu'il y a vente, elle cst faite par l’apprécia- teur, c’est-à-dire par l’un des administrateurs gratuits, et les frais de la vente n’excédent päs un pour cent.

Ce mode économique d’administration n’est peut- être pas applicable au mont-de-piété de notre ville, aussi ne faisons nous pas un reproche à l’auteur du mémoire envoyé de ne l'avoir pas proposé.

Si, d’après ce quenous avons dit au commencement de cet article, on nous posait cette question : le mont- de-piété d'Arras est-il une entreprise de spéculation ou un établissement de bienfaisance”? nous ne balan- cerions pas à répondre qu’il n’est ni l’un ni l’autre.

En effet, Messieurs, ce n’est pas encore un établis- sement de bienfaisance, puisque l'intérêt qu’on y prélève sur les emprunteurs est au moins égal, sil

26 n’est supérieur à celui que préleveraient des prêteurs particuliers sur gages, si ce genre de spéculation était libre ; puisque cet intérêt est tel, qu’un particulier : qui serait convaincu d’en prélever un semblable pour Je prêt de son argent, même sans gages, pourrait être traduit en police correctionnelle du chef d'usure.

Ce n’est pas non plus un établissement de spécula- tion , puisqu'il n’a pas pour objet de faire des béné- fices, (du moins nous le croyons ainsi), et que l'intérêt perçu n’est calculé que sur les frais d’administration, plus l'intérêt légal à 5 pour cent des capitaux four- nis à l’établissement.

Si donc l'intérêt exigé des emprunteurs est trop elevé, comme l’établit l’auteur du mémoire, et comme nous le pensons, c’est en diminuant les frais d’admi- nistration que l’on pourra en réduire le taux; mais quelles sortes de réductions sont possibles à Arras dans ces frais? Voilà ce que l’auteur du mémoire n'indique pas d’une maniere satisfaisante.

Il propose de convertir une partie des emplois sa- Jariés en une espèce de surnnumérariat pour passer à d’autres emplois. Vous avez pensé que expérience prouvait que ces sortes de fonctions devaient être fixes et que, par conséquent, ce moyen était impra- ticable.

Un autre moyen indiqué par l’auteur est la concur- rence, c’est-à-dire l'abolition des monopoles et la

37 liberté d'ouvrir des maisons particulières de prêt sur gages. | : Ce moyen vous a paru plus dangereux qu’utile : vous avez pensé qu’une spéculation de cette nature ne serait exploitée que par des personnes peu déli- cates, qui ne se feraient pas scrupule d’employer des moyens détournés pour cumuler ou augmenter les in-

térêts ; qu’enfin ce serait ouvrir la porte à une foule d'abus,

Cependant, c’est de l'emploi des moyens qu’il in- dique, que l’auteur tire la conséquence que le taux de l'intérêt perçu par le mont-de-piété pourraît-être réduit à 6 pour cent par an ou 1/2 pour cent par mois, c’est-à-dire aux 3[9 de ce qu’il est mainte- nant; mais les moyens d'économie et de concur- rence étant rejetés, le résultat disparaît.

L'auteur croit que l’on pourrait facilement obte- nir des capitaux à un intérêt inférieur au taux légal ; mais, en admettant qu’un appel aux capitalistes füt couronné de succès et produisit des capitaux à 4 pour cent, il n’en résulterait qu’une réduction d’un pour cent, et les emprunteurs devraient encore payer 9, ce qui est excessif.

Sile mont-de-piété était propriétaire du capital qu’il emploie, il serait facile alors de lui imprimer l’action d'nn établissement de bienfaisance en supprimant

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tout intérêt, et en ne faisant payer par les emprun- teurs que les seuls frais d'administration, réduits au plus strict nécessaire, comme cela doit être pour toute espèce d'établissement compris dans le do- maine des classes pauvres.Alors un intérêt de 4 pour cent serait probablement suffisant pour subvenir à tous ces frais d'administration et d’entretien des bà- timens.

Si le mont-de-piété était un établissement de spé- eulation , il faudrait, dans l'intérêt de la classe pau- vre, lui opposer la plus grande concurrence possible ; en vain , dirait-on , que ses bénéfices sont destinés au soulagement des indigens ; ce serait leur prendre leur nécessaire d’une main pour leur en rendre la moitié de l’autre. Une telle spéculation serait subversive des principes de bienfaisance.

Mais, nous le répétons, les monts-de-piété qui ne prélèvent sur les emprunteurs que l'intérêt nécessaire pour couvrir leurs frais, ne sont pas des maisons de spéculation.

T1 faut donc considérer celui d'Arras comme étant destiné à devenir le plus tôt possible un véritable éta- blissement de bienfaisance, et dès- lors il serait ab- surde de laisser s’élever à côté, des maisons de spé- culation. Alors, ce n’est plus un monopole que l'ad-

Mministration exerce, mais une direction salutaire

39 | mu

qu’elle conserve et doit conserver sur une branche importante des secours publics.

Le mémoire dont il s’agit ne vous a pas paru avoir résolu la question proposée, néanmoins vous avez accordé à l’auteur une mention honorable âtitre d’en- couragement, pour les louables intentions que décèle son travail, qui a d’ailleurs le mérite d’appeler l’at- . tention des autorités sur de graves abus qui sont si- gnalés dans ce mémoire.

Sur la question concernant les forçats libérés, vous p’avez également reçu qu’un seul mémoire.

De justes réclamations appelaient, dans notre code pénal, de nombreuses réformes : elles sont aujour- d’hui reconnues nécessaires par notre gouvernement lui-même, qui, fidèle aux conditions de sa nature; révisera toutes les lois anthipatiques aux mœurs et aux besoins nouveaux d’une civilisation progres- sive.

Parmi les dispositions de nos lois pénales suscep- tibles de perfectionnement, vous avez remarqué la surveillance appliquée avec rigueur, qui devient alors pour le condamné un sureroît de châtiment, une se- conde peine après la premiere.

Mais eette surveillance appliquée avec discerne- ment n’est plus qu’une précaution eontre les réci- dives, qu'une mesure préventive fondée sur eette

maxime peut-être trop absolue, mais générale- ment vraie :

L'honneur est cornme une île escarpée et sans bords, On n'y peut plus rentrer dès qu'on en est dehors.

Dans le sujet proposé au concours, vous avez eu en vue de rechercher les moÿens d’adoucir la rigidité de cette précaution sans en diminuer l'efficacité.

On voit qu’il s’agit ici de régler, de la manière la plus favorable pour un grand nombre de condamnés, cette espèce d’état transitoire entre la servitude dans laquelle ils viennent d’expier leurs crimes, et cette liberté complette dont ils pourraient abuser encore aux dépens de l’ordre public, si elle était trop subite, s'ils n’étaient soumis à un tems d’épreuve avant de la reconquérir. |

L'auteur du mémoire divise son travail en trois parties.

Dans la première, le défaut de précision dans les idées, de netteté dans l’expression, d’unité dans les aperçus, se fait souvent remarquer , l’auteur se livre à une discussion préliminaire sur l'esprit des lois qui assujétissent à une surveillance les condamnés qui ont subi leur peine ; il y prodigue une sensibilité mal dirigée , qui consiste à oublier les victimes pour placer tout son intérêt sur les coupables : il ne voit plus dans Jes lois pénales des garanties pour les hommes pai-

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sibles, mais seulement des souffrances gratuites in« fligées à des malheureux. Partant de ce faux point de vue , il multiplie de chaleureuses attaques contre ces lois , sans examen , ni comparaison de leurs avantages et de leurs inconvéniens; il combat la surveillance comme attentatoire à la liberté indivi- duelle, et il oublie que l’homme auquel on l’applique s’est placé, par sa conduité, dans un cas d'exception; illa combat comme injuste sans s’apercevoir qu’en matière pénale c’est la nécessité qui fait la justice, et que toute loi dégagée de rigueurs inutiles est juste, si elle est fondée sur un besoin réel de PROECEON publique.

_ Dans la deuxième partie, l’auteur s'attache à dé- montrer que la surveillance produit un effet plus ou moins décourageant sur les condamnés.

Cet effet, dans ses variétés, démontre que le bien ou le mal consiste principalement dans la manière dont la surveillance est exercée. Avec un peu plus de réflexion, l’auteur aurait reconnu que les lois pénales ne contenaient à cet égard aucun vice radical, et que leur seul défaut était d’être incomplètes, de s’aban- donner trop à l’arbitraire des fonctionnaires, et de ne pas leur tracer elle-même les règles nécessaires pour l'exercice de la surveillance. C'etait seulement sur les moyens de combler cette lacune, de réparer cette omission que l’auteur devait diriger ses conseils, et il

rh

= 49

a dépassé le but en proposant d’abroger une mesure légale et salutaire, qui a seulement besoin d’être per- fectionnée ; d’ailleurs, dans la question posée , il s’a- gissait de ne pas abandonnerentiéremrent à eux-mêmes les condamnés libérés.

Ce n’est réellement que dans la troisième partie que l’auteur entre en matière et traite son sujet mé- thodiquement.

J1 divise en quatre classes les condamnés assujétis à la surveillance.

La première qui comprend les libérés qui ont con. servé des moyens de subsistance ne doit pas nous oc- cuper sous le rapport des secours, mais seulement sous celui de la surveillance.On conçoit que beaucoup d’a- doucissemens et de relächemens sont possibles et con-

venables envers les libérés de cette classe. Les vœux | que forme Fauteur en leur faveur sont louables, mais ils sont déjà en grande partie aecomplis dans l’exer- cice de la surveillance.

Les deuxième et troisième classes, que auteur au-

rait réunir en une seule, et dans lesquelles il com- prend les libérés valides, qui reviennent dans la so- ciété sans moyens d'existence, réclament, sans con< tredit , la sollicitude de l’administration relativement aux moyens de travail : la prévention, la défiance qui les accompagnent, les placent dans une position infini- ment plus défavorable que celle des autres journa-

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liers. Il leur sera donc plus difficile de trouver des moyens honnêtes de gagner leur subsistance, et, sous ce rapport, ils doivent fixer la sollicitude de l’autoritg locale, puisqu'ils sont rentrés dans la famille com- munale.Ainsi l'administration devra s’occuper d'eux pour leur procurer du travail de préférence à ceux qui peuvent en chercher et en trouver eux-mêmes, sans avoir à lutter contre les mêmes obstacles et les mêmes répugnances que les libérés.

Mais les exigeances de l’auteur du mémoire, en fa- . veur de ces deux classes, sont excessives et déraison- nables. Sous ce second point de vue il a encore dé- passé le but. |

Les libérés que Pauteur range dans la quatrième classe, sont ceux qui, à raison de leur âge ou de leurs infirmités, sont dans l’impossibilité de travailler et dénués de moyens d’existence.

L'auteur ne réclame pas moins pour eux qu’un asile, des alimens et des vêtemens, et il en fait ainsi une classe privilégiée d’oisifs, nourris, logés et vêtus aux dépens de la société.

La plus grande faveur que lan puisse accorder aux lihérés de cette dernière classe, n’est-ce pas de les admettre aux mêmes avantages que les indigens kon- nêtes qui, au lieu de se mettre en état d’hostilité avec la société, n’ont cessé de travailler pour elle ; n’est-£e

4t pas de les admettre aux mêmes distributions de secours, proportionnellement aux besoins, à la même concurrence pour les places dans les hospices ou autres établissemens de bienfaisance.

Mais il y aurait de l’immoralité et du danger à les traiter plus favorablement que les autres indigens des classes analogues, car si l’on en faisait une classe pri- vilégiée sous le rapport des secours, ce serait exciter les hommages aux crimes par Pappat du résultat qai deviendrait une espèce de prix et de récompense.

C’est par ces motifs, messieurs, que, sur le rapport de M.Lenglet, substitut, organe de votre commission, vous avez cru ne devoir accorder aucun prix à l’auteur de ce mémoire. -

Nous n’avons encore à vous entretenir que d’un seul mémoire sur la question d'instruction publique, mais nous pensons que cette exiguité provient du défaut de publicité de votre programme.

Au surplus, cet ouvrage a été plus heureux que ceux qui viennent de nous oecuper, puisqu'il a obtenu la couronne académique. | _ En 1819, vous avez mis au concours pour l’année suivante, cette importante question :

Quelle influence l'instruction élémentaire du peuple peut-elle exercer sur la manière d’être et sur l’ame- livration au la stabilité des inséitutions politiques ?

sd

Dix mémoires ont été envoyés à ce concours, tous écrits dans les principes les plus favorables à linstruc tion populaire, à la diffusion des lumières et à la civilisation. |

En 1827, vous avez mis au concours une autre question de même nature, sur les avantages de com- mencer l’enseignement des sciences, à la sortie des écoles primaires, par l'étude de la langue française, du dessin, dela géographie et de l’histoire, renvoyant à l’âge de 12 ans au moins l'étude des langues mortes.

Cinq mémoires, dont un peut être considéré comme un traité complet sur la matière, ont enrichi ce brillant concours.

Ce n’est donc pas sans raison, d’après ces deux expériences, que nous attribuons au défaut de pu- blicité de votre dernier programme, la pénurie de concurrens, sur la dernière question, qui n’est qu’une suite, ou plutôt le complément des deux précédentes.

L'auteur du mémoire reçu a effleuré l'instruction primaire comme une dépendance de son sujet, ou plutôt comme en étant le précédent nécessaire.

Si un grand nombre d’éleves se traîne d’année en année sur les bancs sans résultats, il faut l’attribuer selon l’auteur à trois causes.

À ce que les élèves ne sont pas suffisamment préparés aux études classiques.

AG À la sécheresse de ces études.

3* À ce que l'obligation d'obtenir des résultats n'existe pas : c’est-à-dire, à la facilité de monter d’une classe dans une autre, sans examen et sans avoir justifié que l’on_a suffisamment profité des leçons de la classe que l’on quitte.

L'auteur voudrait que l’on ne püt être admis dans un collège, qu’après avoir justifié que l’on possède l'instruction suivante :

Connaissance de. la grammaire française 1 et analyse grammaticale parfaite.

Orthographe très correcte et très raisonnée.

L’arithinmétique jusqu'aux proportions inclu-

sivement. |

Des notions élémentaires de géométrie pratique. Des notions générales d’histoire.

La géographie générale de toutes les parties du monde.

Des notions générales de cosmographie.

Enfin une écriture très courante et très lisible.

Les idées de l’auteur à cet égard sont parfaitement justes, seulement nous observerons qu’il semble con- fondre dans un seul degré d'instruction primaire, ces diverses parties d'enseignement, tandis qu’il est indispensable d’en former deux degrés sous les

47 .

dénominations d'instruction primaire et d'instruction secondaire. |

Savoir bien lire, écrire, son catéchisme , et les quatre règles d’arithmétique, suffit à plus de la moitié des Français; que l’on ajoute, s’il est possible, à cette instruction élémentaire, qui doit être le partage de tous sans exception, des notions de grammaire et d'histoire française , c’est bien tout le degré d’ins- traction qu’il soit possible d’obtenir dans la plupart de nos écoles de village. Le tems seul pourra en agrandir le cercle.

Le surplus sefait enseigné à ceux qui en ont besoin, dans des établissemens particuliers d'instruction se- condaire.

L’épigraphe choisi par l’auteur et tiré de son mé- moire est ainsi conçue : |

« Pour qu’un plan d’études soit bon , il doit satis- » faire aux besoins de la généralité; s’il ne convient » qu'à une classe d'individus, il est nécessairement » vicieux » | |

Fidèle à cette maxime, il y soumet son plan d’amé- liorations provisoires dont nous allons vous retracer l’esquisse.

Les classes inférieures de et seraicnt suppri- mées, et les études classiques commenceraient à la 6°, L’instruction élémentaire pour arriver à cette classe,

40 = c’est-à-dire pour être admis dans un collège, serait puissée chez des maîtres ou dans des établissemens particuliers. |

Vous avez pensé, avec raison, qu'il en résulterait une économie de tems pour les élèves.

La classe du matin serait seule consacrée à l’étude du latin et du grec pendant 6 années, depuis la jus- ques et comptis la rhétorique.C’est donc 6 demi-an- nées ou 3 années complètes seulement employees à étude des langues mortes. Il est généralement re- connu aujourd’hui que ce tems est suflisant.

L'auteur propose même de joindre à la classe du matin un cours de langue étrangère vivante; mais ce cours ne serait suivi que par un très-petit nombre d'élèves, il prendrait trop sur le tems destiné à l’é- tude du latin et du grec, et le surcroît de dépenses qu’il nécessiterait dans chaque collége, ne serait pas compensé par ses avantages.

D'ailleurs, la langue anglaise est la seule qui pour- raîit être enseignée dans ce département; or, une seule année suffit, à la sortie du collége, pour lap- prendre. Elle est au surplus peu susceptible d’être enseignée méthodiquement. |

Les leçons du soir seraient toutes consacrées :

À la langue française, en commençant dans la classe, par la syntaxe de chaque partie du discours,

construction et l'emploi des mots, par des exet- cices de narration, et en arrivant graduellement, dans les classes suivantes, aux autres difficultés de notre langue et à l'étude de ses beautés.

!

: Deux jours par semaine seraient consacrés pen: dant six années à cette étude,

Aux mathématiques, en commençant par l’arith- métique, depuis les proportions, c’est-à-dire, au point les élèves seraient restés dans les écoles primaires ou secondaires; plus les deux premiers livres de la géométrie. L'auteur indique également pour les cinq classes suivantes, les parties qui y seraient enseignées,

Une seule classe par semaine serait consacrée à ces cours de mathématique. À la géographie , dont l’auteur détermine éga+ lement les divers degrés , et qui ne serait enseignée que dans les 6°, 5°, et classes, et un jour seulement par semaine. A l’histoire, en commençant par l'histoire grec que et l’histoire romaine, À l’histoire naturelle qui ne serait enseignée qu'en seconde et un jour par semaine. | A l’astronomie. À la chimie. | Ces deux cours n’auraient lieu qu’en rhétorique, 7

= D0 == Enfin, dans l’année de philosophie on ferait un cours de mathématiques spéciales. |

La variété de ces études serait beaucoup plus agréable pour les élèves que la monotonie des cours actuels ; d’un autre côté, lutilité de ces divers ensei- gnemens est incontestable ; elle est en outre beaucoup plus générale que celle de l’étude des langues mortes, et ce plan paraît justifier l’épigraphe du mémoire.

Pour assurer le succés des études, stimuler le zèle des élèves, celui des professeurs, et l'intérêt des pa- rens, l’auteur propose des examens à la fin de chaque année; voici comment il s'exprime sur ce point:

« Les élèves passent d’une classe dans une autre » sans avoir, la plupart du tems, profité en rien de > l’instruction donnée dans celle d’où ils sortent; ils » devraient tous être soumis à un examen à la fin de » l’année classique. D’après cet examen , on rejette- » rait tous les isgnorans et l’on n’admettrait à la classe » suivante que ceux qui auraient les connaissances » nécessaires. On délivrerait à ces derniers un certi- > ficat, qui pourrait être regardé eomine une récom- » pense, avec lequel ils pourraient se présenter dans ‘» quelque collége que ce soit. On conçoit que, par ce » moyen bien simple, les élèves, les parens même et » les professeurs, sont intéressés à la réussite; ces » derniers surtout auraient un intérêt majeur à ne

» pas concentrer leur attention sur les dix plus forts > qui peuvent obtenir des succès dans les cours.

» Il est encore un second moyen non moins effi- » cace que le premier. Le grade de bachelier est fa- » cultatif, si ce n’est pour quelques professions; je » voudrais qu’il fût obligatoire , et que tout élève, à » la fin de ses études, düt subir un examen à Ia suite » duquel on lui conférerait le diplôme, s’il y a lieu. » Le rejet serait nécèssairement une honte qui exci- » terait beaucoup de jeunes gens au travail. Mais, » comme d’après le plan ci-dessus les élèves peuvent » suivre tel ou tel genre d’études, je voudrais que ce » grade fût susceptible de trois degrés. Pour le pre- mier, que j’appellerais Bacculauréat ès-lettres fran- » çaises, examen porterait sur tous les objets d’en- seignement, parcourus jusqu’en rhétorique inclusi- » vement, à l'exclusion des langues mortes.

» Pour le second qui serait le Bacculaureat ès- » lettres anciennes. Le fond de Fexamen serait le latin »'et le grec. Le: troisième serait celui qui est connu » sous le nom de Baccalauréat és-sciences.

» Lestrois grades devraient être indépendans les » uns des autres, ce qui est une condition très im- » portante; mais l’on pourrait accorder un titre par- » ticulier à celui qui les réunirait tous : celui, par » exemple, de bachelier général.

» Afin de donner à ces divers titres plus d’impor- » tance, et afin de mettre les élèves et les parens dans »le cas d’y tenir, quelque fût la destination des » jeunes gens, je voudrais que nul ne püt être admis » à une fonction publique quelconque, sans avoir au » moins l’un des trois. On conçoit alors l'intérêt que » chacun aurait à posséder un titre qui deviendrait un » passe-port indispensable pour parvenir aux emplois. » Non seulement, par ce moyen, le gouvernement forcerait un plus grand nombre de jeunes gens à faire des études.sérieuses ; mais il n’attirerait à lui » que les capacités. »

Cette citation , Messieurs, suffit pour donner une idée du style du mémoire qui nous occupe; sans être élégant il est généralement correct et à la hauteur du sujet.

L'auteur se prononce contre le monopole univer- sitaire et pour la liberté de l’enseignement avec de sages restrictions, et en maintenant les collèges comme moyens d'instruction offerts par le gouver- nement, mais facultatifs, et en concurrence avec les établissemens particuliers.

Le plan de lauteur vous ayant paru facile à appli- quer , utile dans ses résultats probables , et remplir l’objet du concours, vouslui avez décerné leprix. Son nom sera proclamé à la fin de la séance,

DJ Il nous reste, Messieurs, à vous entretenir des pièces de poésie envoyées au concours de cette

année.

Le sujet que vous aviez proposé : La liberté rani- mant les cendres de Guillaume Tell sur les monts Helvétiens, convenait aux circonstances dans les- quelles se trouvait l’Europe : le héros, le lieu de la scène , l’époque et l'événement, tout est grand, tout est éminemment poétique.

Ce n’est pas un héros que la flatterie enivre d’en- cens, que la muse de l'époque y célebre; c’est le peuple le plus sage et le plus courageux que nous vente l’histoire moderne; lascène se passe dans le lieu le plus pittoresque de l’Europe; enfin ce sujet était d’autant plus digne des muses françaises, qu'ici la vérité historique est aussi merveilleuse que la fiction même.

Trois pièces de poésie ont été envoyées à ce con- cours. |

L'auteur du poème, côté 2, a saisi la question proposée sous son vrai point de vue, en l’envisageant et la traitant comme un fragment épique.

Ce poème, rempli d'idées brillantes, de beautés poétiques , de verve et d'action , présente bien quel- ques vers faibles et prosaïques, des césures vicieuses, des enjambemens irréguliers ; mais ce sont des taches

hi que le grand nombre de beautés permet à peine d’a- _ percevoir ; aussi, sur l’avis unanine de votre com- mission, avez vous décerné le prix à l’auteur de ce poème, dont je n’ai extraire aucune citation, puisqu'il sera lu dans cette séance.

Les deux autres pièces envoyées au concours n’offrent guère que des lieux communs sur la liberté en général. Leurs couleurs poétiques ont paru froides et pâles à côté de Ja verve chaude et du coloris animé de celle couronnée. Félicitons toutefois les auteurs de leurs efforts : la Hiberté doit leur tenir _compte de belles pensées et de beaux sentimens qu’on remarque assez fréquemment dans leurs productions qui ne sont pas sans mérite. Leurs talens employés à des sujets mieux appropriés à leur genre, peuvent leur procurer des succès.

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RANIMANT LES CENDRES

DE GUILLAUME TELL,

SUR LES MONTS HELVYÉTIENS,

(Fragment épique.)

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Omnes liberiati natora student. (PLrante.) Peuple, la liberté, d'un bras teligieux, Garde l’immuable équilibre De tous les droits humains, tous émanés des Cieux, André Cuisine }

Sun les monts belliqueux , remparts de l'Helvétie, Lieux tout cœur tressaille au nom de la patrie; Dans ces âpres cantons, riches de pauvreté,

Où, comme un fruit du sol, mürit la liberté; Non loin d’Altorf, au sein d’une chapelle antique, S'élève sans orgueil une tombe rustique.

Près de fouler aux pieds cet humble monument,

Le voyageur s'arrête avec recucillement :

56 Un vague souvenir élève sa pensée : Il devine un héros sous la pierre glacée, Et semble respirer la haine des tyrans. Des tyrans ! Leur nom seul, sous ces arceaux croûlans, De l'hôte du tombeau réveille l'ame altière, Et sa cendre indignée en fait frémir la pierre ! Quel fut-il donc celui qui sommeille en ces lieux ? Un sage landamman, un bailli vertueux ? Un guerrier, le front ceint des palmes militaires ? Un grand, plein de respect pour les droits populaires ? Fût-ce un noble baron qui, cher à ses vassaux, Devant l'autel des lois les tenait tous égaux ? Ou bien un saint docteur de Genève ou de Rome? Loin ces titres pompeux ! ici repose an homme, Un homme libre et fier... Ci gît Guillaume Tell!

Des siècles ont passé sur ce nom immortel, Et le tems qui détruit tout, excepté la gloire, Ajoute incessamment du lustre à sa mémoire, Son dévoûment vivra dans la postérité,

Tant que les cœurs battront au mot de liberté, Jamais on n’oubliera que sa flèche intrépide Abattit un tyran, comme un chevreuil ümide, Tranchant du même coup les ignobles liens,

Qui courbaïent sous le joug ses chers concitoyens.

Dore O Suisse, heureux pays, terre d'indépendance, les mœurs du vieux tems tenaient lieu d’abondance, Long-tems encore après ton affranchissement ; | Tes voisins, abrutit dans l’avilissement, Troupeaux à masque d'homme, en proie à l'ignorance, Enduraient, sans se plaindre, une active souffrance, Long-tems encot le serf, de misère excédé, Mourait sur le sillon de ses sueurs fécondé ; Ou bien à son secours , s'il appelait la hame, Sa pensée arrêtée aux deux bouts de sa chaîne, Ne s'élevait pes même à l’imstinut de ses droits ; Les caprices d’un maître étaient ses seules lois. Victime résignée , étouffant tout murmure, Il hâtait de ses vœux sa dernière torture ; Et quand la mort glacaït son cœur désespéré,

C'était son plus beau jour ! 11 était délivré !!

Le monde esclave ouvrit les yeux à la lumière; De ses droits, méconnus par l’avide arbitraire, Il retrouva bientôt les titres oubliés ; Et montrant les haillons de ses fils spoliés ; Revendiquant leur part du commun héritage, Il protesta tout haut contrée un honteux partage, A ce coup qui troublait leur fortuné repos, Les tyrans alarmés liguërent leurs drapeaux,

Menaçant de punir ces clameurs insolentes :

98 Fls ne s'attendaient pas à des luttes sanglantes, À se voir arracher de leurs débiles mains, Ces pouvoirs usurpés qu'ils proclamaient divins ; Ils se perdraient : tout droit fondé sur l'injustice, N'est que précaire; il faut tôt ou tard qu’il périsse. Tel un dessin hardi , sur le sable tracé, Par le souffle des vents soudain est effacé.

Les despotes, vautours acharnés sur leur proie. Persisteraient en vain dans leur coupable voie. Qu'ils tremblent on a vu plus d’un retour du sort : Le plus faible aujourd’hui, demain est le plus fort : Les peuples n’ont besoin que d’un jour de colère Pour fouler à leurs pieds les trônes en poussière.

Il est une puissance, espoir de l'univers,

Chère aux chœurs généreux, en horreur aux pervers ; Puissance aux vœux ardents et fécônds en miracles, Qui se joue et grandit au milieu des obstacles ; Redoutable à quiconque est empereur ou roi,

Il ne faut que son nom pour le glacer d’effroi ;

Elle broie en ses mains les plus solides trônes ;

Son souflle anéantit palais, sceptres, couronnes ;

Sa voix en un instant, enfante des héros;

Elle veut que partout les hommes soient égaux, Pour elle, tout esclave incessamment soupire,

Pour elle, un Polonais gaîment vole au martyre,

99 Mortels, vous adorez cette divinité ;

Sa patrie est le ciel, son nom, la liberté!

Que son vol était fier et plein de confiance, Qu'il était beau son front radieux d'espérance, Alors qu’elle apparut naguère dans Ury, - _Se faisant précéder d’un formidable cri Dont retentit au loin l’écho de la vallée!

La nuit régnait ; le ciel, sur sa sphère étoilée De l’astre au front d'argent étalait la splandeur. La déesse fendait les airs avec vigueur ;

Dans un orbe de feu ses aîles étendues Majestueusement la portaient sur les nues.

Par son cri réveillés, les pâtres du hameau

Etonnés admiraient ce spectacle nouveau.

Bientôt elle descend, s'approche de la terre Et dirige ses pas vers le lieu solitaire . TS repose un d'es siens, son fils bien-aimé, Tek: Dont le nom est un culte et la tombe un autel. Les yeux purent alors la contempler sans peine. On la voyait brandir un long fouet de chaîne, Reste vengeur des fers qu’elle avait su briser, Arme terrible aux mains de qui veut-en user. Des lys, des aigles noirs, despotiques emblêmes,

L'oriflamme en lambeaux et quelques diadèmes:,

600 Lui formaient un trophée ; et son robuste sein

Saignait encor des coups d'un poignard assassin,

Cependant sur le seuil du temple funéraire, Debout, l'œil enflammé, d’une voix de tonnerre, L'immortelle éroqua les mânes du héros :

« Tu dors, ami, tu dors, et des tyrans nouveaux » Des lois de ton pays préparent la ruine !

» Tes fils oublieraient-ils leur guerrière origine ? » Pour eux le nom de Tell n'est-il plus qu'un vain son? » Pourraient-ils de leurs droits faire un lâchie abandon ? » De leurs droits que menace un honteux esclavage,

» De leurs droits reconquis par ton mâle courage ?

» Et moi, la liberté, moi qu guidai ton bras,

» Moi, de qui la justice accompagne les pas,

+ Moi, par les nations à toute heure invoquée,

» Je verrais ma puissance en ces lieux attaquée,

» En ces lieux ta main arbora mon drapeau,

» En ces lieux long-tems mon règne fut si beau!

» Non, certes, ce n'est pas, lorsqu'en pleine victoire

» J’ai chassé de la France un despote sans gloire ;

» Ni quand, débarrassé du tyran hollandais,

» Le Belge le refoule au fond de ses marais ;

» Ni lorsque la Pologne, héroïque milice,

» Seule, avec dévoûment, s’élance dans la lice ;

» Et la faux à la main, défendant ses foyers,

61 » De son généreux sang arrose ses lauriers ; » Non, ce n'est pas après tant de travaux, de veilles; » Après un tel concours d’étonnantes merveilles, » Que libre ailleurs, ici je porterais des fers ! » Sur tous mes ennemis je tiens les yeux ouverts : » Je les connais. Les uns, rénégats, sacrilèges , » Exploitant, sans pudeur, d’injustes privilèges, » Violent chaque jour la sainte égalité, x Dont naguëre ils flanquaient leur popularité; » Les autres, exaltant leur gothique naissance, » Croient que Dieu les fit naître exprès pour la puissance ; 2 Quand ils dominent tout, ils disent : « tout est bien ; » » Mais le peuple souffrant, qu'est-il à leurs yeux ? rien, » Voilà mes ennemis, ceux du bonheur du monde ;

» Et qu'on y songe, entr’eux ils font un pacte immonde.

» Libre autrefois, la Suisse aujourd’hui ne l’est plus, » Rampants adulateurs des princes absolus, » Ses gouvernans titrés, devenus leurs complices, » Leur rendent bassement service pour service, » Et bravant tout soupçon d’insigne lâcheté, » Cachent la trahison sous la neutralité, à » Dressée de longue main par l'aristocratie, » Les perfides serpens de la diplomatie, » Etouffent avec art, dans leurs mortels replis,

» Les peuples généreux, de mon ardeur remplis,

0.

» Malheur, malheur à ceux , que leur voix de syrène

» Endormirait au sein d’une espérance vaine !

» Le piège les attend ! il est couvert de fleurs...

» Qu'ils y tombent !.... des fers et l’horrible cri : meurs ? » Et c’est au nom de l’ordre, invoqué par des traîtres,

» Que vos gens du pouvoir s'érigent en durs maitres ;

» Âu nom de l’ordre aussi, qu'ils vous chargent d'impôts, » Pour se gorger à l'aise, eux et leurs vils suppôts;

» C'est pour l'ordre, qu'armée de sévères étreintes,

» Îls compriment la voix de vos plus justes plaintes,

» Ou qu’ils vous font sabrer, mitrailler à plaisir,

» Quand vos cris mécontens vont troubler leur loisir,

» L'ordre, c’est leur grand mot, leur argument suprême ; » Et l’on sait que cet ordre est le désordre même !

» Profond abus des mots ! étrange aveuglement !

» Des plus augustes droits fatal renversement !

» Qu’enseigne le bon sens? L'ordre, c’est la justice, » La justice pour tous, sans faveur, ni caprice,

» N'ayant qu'une balance avee des poids égaux,

» Indifférente à l'or des fripens et des sots,

» Ne mesurant chacun qu'au poids du vraï mérite, » Et de tousdles emplois écartant l'hypocrite,

C’est elle que j'annonce aux hommes éclairés ;

» C’est d'elle qu'ils tiendront des biens inespérés ;

» Moi, j'applanis sa route, heureuse messagère ;

» On le voit, ce n’est pas en habit de guerrière,

63 » Ni le sabre à la main, que j'apporte mes lois j » Venant du genre humain reconquérir les droits, » Je veux que la raison , éclairant mes conquêtes : » Seule, m'ouvre un chemin , malgré les baïonnettes, » Les Grecs et les Romains, mus par l'ambition, » Allaient porter au loin l'esclavage en mon nom; » Mais j'étais inconnue à ces ames altières : » Je ne devais surgir qu’au flambeau des lumières, » Le moment est venu : mon fils , réveille-toi : » Du fond de ton cercueil parle , seconde-moi, » Consomme, il en est tems, consomme ton ouvrage; » De tes concitoyens attisant le courage, » Qu'à ta voix tous les cœurs brûlent du feu sacré, » Et rien n’entravera mon triomphe assuré. » Dans ton grand souvenir je mets mon espérance, » Adieu ! d’autres pays réclament ma présence : » Le Germain foule encor le sol des Scipions, » Je vole y ranimer la cendre des catons, » J'entends, j'entends les cris de la Grèce expirante » Sous la main qui devait la rendre florissante. » Le tems presse, je pars : sur ces monts indomtés » Donne un nouvel essor à de mâles fiertés. » Qu'on traite en ennemis ceux qui me sont contraires ; » Pour vaincre, il ne me faut que des peuples de frères. » De sa main la déesse alors frappant les airs,

Fit entendre un grand bruit de chaînes et de fers,

no Et bientôt, s'enlevant sur ses puissantes ailes

Franchit du Saint-Bernard les neiges éternelles,

Cependant sür la tombe une blanche vapeur S'élève et vient répandre une sainte stupeur ; Elle s'ouvre ; au milieu d’une 2ône brillante Apparaît le héros qui, de sa main vaillante, De Gessler autrefois termina le destin.

Son sourcil abaïssé réveille un cœur chagrin. Il porte à son côté sa flèche inévitable,

Sa flêche qui punit un despote coupable ; Appuyé sur son arc, il soupire : ses yeux Lancent autour de lui des regards soucieux : Puis éleyvant sa voix majestueuse et sombre,

Il prononca ces mots digne de sa grande onibre :

« Liberté, liberté, j'obérs à ta voix! » Mais quoi! m'appelles-ta pour voir ce que je vois » Pour voir le déshonneur de la vieille Helvétie ! » Pour la voir sous le joug de l'aristocratie ! » O honte, sans excuse! horrible indignité! » Le sol que j'affranchis n’est donc plus respecté! » L’étranger dont jadis je punis l’insolence, » Qui nous tenait courbés sous le fer de sa lance, » Aujourd'hui secondé par de faux citoyens,

# De ressaisir sa proie a de nouveaux moyens.

me 02 x L'or, les divisions, l'intrigue, la menace 5 Ont roavert le chemin à son ancienne audace. » Il dispose à son gré de nos conseils vendus ; 5 Les cris des plébéïens dans les airs sont perdus. » Il est maître de tout en dominant nos maîtres, » Nos maîtres! quel outrage à vos braves ancêtres! » Enfans dégénérés, citoyens:avortons, » D'un tronc antique et fiér indigneë rejetons ! » Ne vous souvient-il plus nos beaux jours de gloire? » Vos maîtres én ont-ils effacé mémoiré? # Esclavés de Mammone, ont-ils frappé d’oubli * Le sang dont füt scellé le sermerit du Autli, + Et Morat, champ d'orgüeil et patriotisme » les os béurguignôris prouvént notre héroïsme ? x Avez-vous abdiqué toute noble pudeur ? b Qu'est devenue aussi cette inquiète ardeur » Qui, d'uñ säng indigné, colrait vos visages, » Si l'ennemi touchait à l’ün de nos villages. # Eh quoi! vôus êtes fières d’émplois déshonorans ! # Libres, vous vous chatïigez en sbires des tyrans! » Quand oh eët si jalôux sôn indépendance, » Va-i-on ainsi la vendre; et prêter assistance » Aux bourreaux courontiés qui torturent les lois ? Ah! je vous en conjure, entendéz iniiéux vos droits, | » Vos intérêts ! suivez une autre politique :

# Etouffez dans vos bras l'hydre aristocratique.

—— 66 » Oui , sans délai, brisez les infâmes traités 5 Qui vendent votre sang à des rois détestés. » Laissez aux potentats leur solde mercenaire, » Et sachez mériter un plus digne salaire. » Voyez les nations levant de toutes parts, » Au nom de liberté, leurs sacrés étendards. » Que ne leur tendez-vous une main fraternelle? » Ne devriez-vous pas être leur sentinelle ? » Vous le devez par droit de solidarité. » Pouvez-vous renoncer au rang d'ancienneté, » Vous, soutiens naturels de l'honneur helvétique ; » Vous, enfans allaités par une république ? » Âmis, si vous prenez ce rôle généreux, » Envain tous les tyrans se ligueront entr'eux. » Leur tems ne sera plus : les couronnes brisées » Serviront de jouet aux publiques risées ; » Et le monde affranchi pourra voir naître encor » Les miracles heureux d’un nouvel âge d’or. . » Comptez-vous et comptez la phalange soldée, » Si vous croyez encor la lutte hasardée. » L’ennemi peut nombrer ses tours, ses bastions : » Qu'il montre avec orgueil ses armes, ses canons, » Instrumens de la mort que l’homme a pu construire ; » Mais ce que l'homme a fait, l'homme peut le détruire ; » Tandis que ces vieux monts que Dieu fit de sa main,

» Sont des remparts plus forts que tout pouvoir humain.

67 » Que tardez-vous ? Chassez d'aussi lâches alarmes! » Debout, Helvétiens! Helvétiens ! aux armes! » La justice a toujours un ami dans les cieux. » Montrez à vos tyrans un front audacieux ; » Qu'ils tombent : voici l'heure la juste sentence » Qui doit les dépouiller d'une injuste puissance. | » Sortira des décrets de 1a divinité, » Debout, Helvétiens! « Liberté! liberté! »

Liberté! liberté! répétérent ensemble,

Les pâtres accourus : honte à celui qui tremble! Le bras de l'éternel soutient l'homme de cœur; Par lui, de Goliath un pâtre fut vainqueur.

Tell alors immobile , en signe de présage,

Levant un œil de feu vers le ciel, un nuage

Vint tout-à-coup voiler le flambeau de la nuit, Et l'ombre disparut au milieu d’un grand bruit. L'air siffla, les rochers sur leurs bases tremblérent; De vallon en vallon les échos s’éveillérent ;

Sur les monts, sur les lacs, long-tems fut répété Le cri des nations : « Liberté! liberté! »

LME MMM VU M VUE UM LULU VA LA

&TR LA QUESTION SUIVANTE, | PROPOSÉE | PAR LA SOCIÉTÉ ROYALE D'ARRAS,

QUELLES SONT LES MODIFICATIONS UTILES ET FACILES A INTRODUIRE DANS L'ENSEIGNEMENT ACTUEL DES COLLÈGES POUR LE METTRE PLUS EN RAPPORT AVEC L'ÉTAT DE LA CIVILISATION | ‘ET LES BESOINS DE L'ÉPOQUE ?

CmRERS (0) En

Pour qu'un plan d'études soit bon il doit satis- faire aux besoins de la généralité : s'il ne convient qu'à une seule classe d'individus, il est néccessai- rement vicieux.

Les parties d’un tout s’enchainent et se prêtent un mutuel appui; la perfection de l’ensemble et celle des détails dépendent l’une de l’autre; pour atteindre ce but, il faut coordonner les parties de ce tout, il faut les harmoniser, si je puis m’exprimer ainsi: il faut que la bonté de l’une pe soit pas neutralisée par les vices des autres, autrement on n’aura jamais qu’un ensemble incohérent, qu’un amalgame monstrueux

69 de bon et de mauvais. Ce principe qui est vrai en tout, l’est surtout à l'égard de l'éducation. L'éducation est si vaste; elle embrasse tant de choses ; il y a tant de points importants qui s’appuient les uns sur les autres, depuis la naissance de FPhomme , jusqu’à son

entrée dans le monde; tant de causes peuvent influer .

sur son moral, surson intelligence, sur son physique, et par conséquent sur sa destinée, que l’étude de cet art est à mon avis une des plus étendues, des plus difficiles et des plus essentielles; une de celles qui devraient être placées le plus haut dans la société ; elle est au contraire placée si bas, que personnes ne s’en occcupe. Dans cette vaste chaîne , la question des études de nos colléges n’étant qu’un anneau, je crois devoir faire accompagner cet examen de quel- ques considérations sur l’ensemble, soit des études, soit du système universitaire, soit de l'éducation en général; ces considérations me conduiront naturelle- ment à la question, à l’ordre du jour, celle du mo- nopole de l’université et de la liberté de l’enseigne- ment, que j'examinerai en peu de mots.

Le gouvernement doit-il veiller sur l'instruction -publique, ou doit-il s’abandonner entièrement à l’ix- dustrie particulière et au zèle des familles ? Cette question ne me paraît pas douteuse ; car si l’on s’en rapportait uniquement aux soins des parens, leur défaut d'expérience dans l’enseignement, les expose-

0e rait trop souvent à être dupes du charlatanisme , et souvent aussi, leur indifférence ou leur faiblesse, compromettrait l'instruction de leurs enfans. Pour éviter ces deux graves inconvéniens, il faut une action forte , qui dirige l'instruction en général, qui donne en quelque sorte l'élan, qui soit le type ou le modèle, sans cependant porter attein{e à la liberté, que chaque ptre de famille doit avoir de faire élever ses enfants comme bon lui semble. Cette action ne peut venir que du gouvernement ; mais jusqu'où doit s’étendre son influence ? Cette question est précisément celle du monopole.

Il convient de diviser en deux degrés Pinstruction qui précède celle des colléges.

L’instruction publique peut-être divisée en trois périodes ; l’instruction primaire, c’est-à-dire celle des écoles élémentaires, Finstruction classique ou celle des colléges , et enfin l’instruction spéciale, c’est-à- dire celle que l’on reçoit dans les écoles spéciales. Cette haute instruction rentre naturellement dans les attributions du gouvernement ; lui seul peut et doit la diriger. Lesystème organique de ces études est sans doute susceptible de beaucoup d’amélioration de dé- {ails ; mais malgré cela je ne pense pas que nous ayons rien à envier sous ce rapport à l'étranger. Nos écoles de droit et de médecine, nos écoles militaires et de marine, toutes celles des services publics, et par

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dessus tout, notre éeolé polytechnique fait Padmira- tion et l'envie des autres nations. Nous devons ajou- ter à toutes ces richesses savantes tous lés cours gra- tuits scientifiques et littéraires faits par nos premiers savans à la Sorbonne, au collége de France, au Jar- din des Plantes, à l'Observatoire, et qui attirent les étudians de tous les âges et de tous les pays, sans avoir les inconvéniens de l’aglomération et de l’es- prit de corps des universités allemandes. Je connais ces universités et je n’hésite pas à dire que, dans mon opinion, le système des hautes études en France est infiniment préférable, soit par leur étendue, soit par leur organisation, quoique, je le répète, il soit susceptible de nombreuses améliorations de détails ; mais c’est un point sur lequel je n’insisterai pas, parce qu’il sort de mon sujet; je n’en ai dit deux mots que pour ramener ensuite plus aisément la ques- tion à son véritable objet. J’ajouterai seulement qu'ici le gouvernement se montre ce qu'il doit être, dispensateur de l'instruction et non spéculateur, que celle qu’il offre est une ressource précieuse que la jeunesse studieuse chercherait vainement ailleurs.

Si nous n’avons rien à envier aux étrangers à Pé- gard des hautes études, il n’en est pas de même pour les deux autres degrés, l'instruction primaire et l’in- struction classique. Je ferai même observer que s’il y a peu de jeunes gens en état de profiter de ces hautes

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études , que je puis appeler études libres, cela tient à ce que l'instruction classique ne les y prépare pas d’une manière convenable, et que les élèves sortent; la plupart du tems des colléges, sans avoir les con: naissances même les plus usuelles. Ce point est fort important et je serai dans le cas d’y revenir.

L’instruction primaire est sans coñtredit celle qui influe le plus sur l’état méril d’un peuple, parce qu'elle s'adresse à tous les individus sañs exception ; dépuis le plus pauvré jusqu’au plus riche; tous doi- vent passer par ce degré auquel les uns s’arrêtent et que les autres dépassent. Elle doit donc éveiller toute la sollicitude du gouvernement à l'égard de ceux qui ne peuvent l’acquérir; il doit la faire péné- trer dans les dernières classes de la société, en la don: nant gratuitemeñt aux pauvres, laissant à l’industrie particulière Le soin de la donner à éeux qui peuvent la payer, tout én exigeant lés garanties nécessaires de capacité, d’habileté et de moralité. Sans m’éten- dre sur l’organisation de ée premier degré qui sort également de mon sujet je dirai séulément que lin- struction primaire est à l’instruction classique, ce qué celle-ci est aux études spéciales ; et qu’il ÿ a une foule de jeunes gens qui ne peuvent profiter des étus des secondaires, parce que leur première instruction a été négligée , et qu’ils arrivent au collége sans pos: séder le plus souvent aucune des notions fondamen:

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tales que l’on ne peut et que l’on ne doit pas y don-- ner. Au nombre de ces études préparatoires, je place en première ligne celle de la langue maternelle. Tout le monde connaît l'ignorance de nos humanistes sur ce point, et les conséquences n’en sont pas seulement la privation d’une connaissance, mais un préjudice réel porté à toutes les autres branches d'instruction,

Eu eflet, il n’est pas douteux que si les élèves con- naissaient leur langue par principes, s’ils avaient une idée exacte de la grammaire, de la construction, du mécanisme du langage, ils étudieraient les langues anciennes avec infiniment plus de facilité. Ce n’est pas tout , s'ils étaient habitués à rédiger avec soin et correction, Si leurs idées étaient assez développées pour saisir le défaut de précision d’une phrase, ils traduiraient avec plus de correction et en même tems plus de fruit; ils comprendraient mieux le sens des auteurs, et ne violeraient pas, comme ils le font à chaque instant, sans s’en appercevoir, les lois du plus simple bon sens.Ajoutez éncore que l’habitude de‘ré- diger avec précision et correction, influerait sur toutes les autres études, sur les mathématiques, sur l’histoire, sur toutes celles en un mot qui exigent des rédactions; que les professeurs corrigeraientavecbien plus de soins des devoirs qu’ils n’auraient à exami- ner que sous un seul point de vue, tandis qu’ils sont

souvent dégoûtés par une incorrcction vraiement 10

ee

rebutante de style et de pensées, et souvent aussi par: la difficulté de les déchiffrer.

Des notions élémentaires de géographie et d’his- toire seraient également nécessaires pour profiter des études classiques , le fond des auteurs anciens repo- sant presque entièrement sur ces deux sciences, sans lesquelles les faits détachés que l’on y trouve ne pré- sentent qu’un sens incomplet et décousu. On objectera peut-être que cés deux sciences font partie des études classiques ; mais pour toute réponse je demande qu’on s'assure du fruit qu’en retirent les élèves.

Enfin les mathématiques que l’on réserve entière- ment pour les dernières années , devraient commen- cer de fort bonne heure, et être suivies graduellement d’année en année pendant tout le cours des études. Les élèves arriveraient ainsi bien plus aisément aux études spéciales, que s’ils sont obligés , comme cela a lieu , de voir , en une couple d’années, un cours com- plet de mathématiques, ce -qui devient impossible à un grand nombre.

_ L'instruction primaire devrait donc être une intro- duction nécessaire aux études secondaires ou classi- ques ; l'étendue des connaissances qu’elle comporte devrait être déterminée avec précision , et les élèves ne devraient être admis aux cours secondaires qu’en . justifiant de connaissances suffisantes ; connaissances

Rs L'* que l’on doit laisser libre de puiser partout l’on veut. | |

Voici à peu près ce que l’on devrait exiger :

Connaissance de la grammaire française , et ana lyse grammaticale parfaite.

Orthographe très correcte et très raisonnée.

L’arithmétique jusqu’aux proportions inclusive- ment.

Des notions élémentaires de géométrie pratique.

Notions générales d'histoire, et histoire sainte en particulier.

Géographie générale de toutes les parties du monde. | |

Notions générales de cosmographie.

_ Ecriture courante très lisible.

Il serait nécessaire d’avoir pour ce degré, comme pour le baccalauréat un manuel] indiquant exactement la quantité de matières exigées dans chaque partie.

J'arrive maintenant aux études secondaires ou classiques. oo

Pour qu’un plan d’études soit bon, il doit réunir deux conditions, la bonté de la méthode et Putilité la plus générale possible. Cest sons ce dernier point de vue que nous allons spécialement considérer les études de nos colléges, Si un système d’Ctudes ne

= 10

convient qu’à une certaine classe d'individus, il est nécessairement vicieux; or, personne ne conteste aujourd’hui qu'une foule de jeunes gens ne trouvent point dans nos colléges les ressources qui leur sont nécessaires d’après leur vocation future. Quant aux améliorations à y introduire, on peut les envisager d’abord sous le point de vue le plus rationel; mais comme les usages consacrés par les siècles ne peu- vent se changer en un jour, et qu’on ne peut pas heurter trop brusquement les préjugés, la société royale d'Arras a sagement demandé les améliorations faciles à introduire, évitant par de tomber dans un défaut malheureusement trop commun, celui des théories séduisantes mais impraticables. Cependant comme il faut partir d’une base fixe, je prendrai pour point de départ celui qui me semble le plus ra- tionel, pour arriver successivement au plan le plus facile.

Les études sont de deux natures : les unes sont d’une utilité générale, sont nécessaires à toutes les classes, quelque soit la carrière que l’on doit em- brasser ; telles sont : la langue maternelle considérée sous le rapport grammatical et littéraire, les mathé- mathiques élémentaires et leurs applications usuelles, la géographie, l’histoire, les élémens d'astronomie, de physique, de mécanique et de chimie. Les autres sont particulières à la destination des individus;

0 telles sont les mathématiques spéciales, les langues mortes, éte.; voilà la grande division qui devrait exister dans les études. Les premières années de- vraient être exclusivement consacrées aux études générales, et les dernières aux études spéciales ; de telle sorte que les jeunes gens qui n’auraient besoin que des premières ne perdraient pas leur tems à étu- dier les autres. Au lieu de cela on suit un système tout opposé. D’abord, l’étude de la langue française peut-être regardée comme nulle; celle de la géogra- phie et de l’histoire comme tres négligées ; celle des mathématiques et des sciences naturelles est réservée pour les dernières classes auxquelles beaucoup d’in- dividus n’atteignent pas; tandis que celle des langues mortes , qui ne sert qu’à un petit nombre, est com- mune à tous. Ajoutez que l’on consacre dix ans à ces langues , au bout desquels on ne sait à-peu-près que cela, tandis qu’on pourrait les savoir tout aussi bien en deux ou trois ans , en les commençant plus tard, si l’on en retranchait surtout les exercices qui, comme les vers et les discours latins, sont d’une inu- tilité absolue. Les mathématiques qui demandent au contraire une longue habitude, un développement gradué dans les idées, des exercices pratiques long= tems soutenus, doivent être digérés en deux ou trois ans, ce qui est impossible à un grand nombre d’étu- dians ; aussi combien en voit-on qui, dans les épreu-

t

0 = ves du baccalauréat, ne peuvent répondre aux plus simples questions d’arithmetique. Si, au lieu de cela, cette étude était commencée de bonne heure, les élèves en verraient chaque année une petite partie, avec laquelle ils auraient tout le tems de se familia- riser par de nombreux exercices pratiques ; ils erri- veraient ainsi à quinze ans, ayant vu sans efforts toutes leurs mathématiques élémentaires, et pour- raient ensuite, s’il y a lieu, étudier avec infiniment plus de fruit et de facilité les mathématiques spé- ciales. Tel est le plan qui me paraît le plus PÉORESS à répondre aux besoins de la société.

Je le résume en peu de mots :

Les premières classes, c’est-à-dire la sixième, la septième et la huitième, et au-dessous, devraient être consacrées aux études primaires, faites en dehors des colléges et dont nous avons indiqué l’objet plus haut. Les élèves ne seraient admis au colléges qu’a- près un examen sévère sur ces premières études. Les classes de cinquième , quatrième , troisiéme ef deuxième, seraient entièrement consacrées aux étu- des générales ; savoir : La langue et la littérature françaises jusqu’à la rhétorique inclusivement, qui ferait un des objets de la dernière année; les mathématiques élémentaires comprenant toute lPa- rithmétique et la géométrie, et leurs applications

usuelles dans les arts; la géographie ancienne et

= 70

la moderne ; l’histoire complète, y compris, bien entendu, l’histoire de France ; les élémens de phy- sique, de chimie, de mécanique et d'astronomie ; une ou deux langues vivantes pour ceux qni en auraient besoin ; cette étude ne rentrant pas précisé ment dans la classe de celles La sont d’une néces+ sité absolue.

À cette époque, les élèves qui ne peuvent aller plus loin cessent leurs études ; maïs ils savent quel- que chose de positif et de réellement utile. Ceux qui doivent continuer se séparent pour étudier pendant les trois années suivantes, chacun ce qui a rapport à sa vocation ; les uns, les mathématiques spiciales et leurs applications aux sciences; les autres, les lan- gues mortes pour la médecine, le barreau et la car- rière littéraire. Les uns et les autres suivraient en même tems des cours de haute littérature et de phi- losophie. |

Voici seulement Ja réponse à la question :

Mais, comme nous l'avons dit, il ne suffit pas qu'un plan soit bon, il faut qu’il soit d’une facile exé- cation ; et, celui-ci, je l'avoue, présenterait , non pas des difficultés, çar il me semble fort simple, mais trouverait sans doute de l’opposition dans les préju- gés de ceux qui regardent encore le latin et le grec comme la base sur laquelle repose toute l'éducation,

0

et qui n’entrevoient pas la possibilité de faire cette étude en deux ou trois ans. Or, voici les modifica- tions que l’on pourrait y apporter, et qui, joignant à l'avantage d’une exécution extrêmement facile, celui de satisfaire à-peu-prés toutes les exigences et tous les besoins.

Je maintiens d’abord la premiere des positions, celle par laquelle les premières classes sont consa- crées aux études primaires, et qui prescrit un examen sévère sur ces études avant d’être admis au collége. Je la regarde comme d’une extrême importance, et si l’on ne devait apporter qu’une seule modifica- tion au système actuel , je donnerais la préférence à celle-ci.

Les études classiques proprement dites , ne com- menceraicnt, comme dans le premier projet, qu’à la cinquième ou si l’on veut à la sixième. Les élèves seraient pour ces études divisés en deux catégories; d’un côté ceux qui ont besoin des langues mortes, et de l’autre ceux auxquels elles sont inutiles; c’est cette distinction qui doit nous servir de base. À cet effet, je propose de diminuer un peu le tems donné aux langues mortes et de n’y consacrer qu’une classe par jour, celle du matin, par exemple, tems qui se- rait encore amplement suffisant, depuis la sixième jusqu’à la philosophie. La classe du soir serait em- ployée à l'étude du français, des mathématiques,

bi

la géographie, etc., études dans lesquelles les “élèves auraiént déjà fait quelques pas dans les classes élémentaires.

Quant aux langues vivantes, elles exigent unëé étude suivie, et d'autant plus longue, qu’on est dans ün pays étranger et qu’un des résultats les plus impor- tans à atteindre consiste à écrire purement dans la langue, ce qui ne peut s’acquérir qu'avec un long exercice et un certain développement d'intelligence qui n’est pas donné dans un âge trop tendre. L’expé- rience m’a démontré qu’en les faisant marcher de front avecleslanguesmortesettoutesles autres études, il était difficile que les unes ou les autrès n’en souffris- sent pas, surtout par les moyens que l’on emploie pour les enseigner; mais si l’on considère que les élèves qui ne doivent pas apprendre les langues mortes sont ceux qui ont plus particulièrement besoin des langues vivantes, on ne verra pas d’inconténient à mettre tette classe en même tems que celle du latin et du grec. Ainsi, dans les classes du soir, les élèves sont réunis pour les études générales, ét dans celles dut matin ils sont divisés; les uns aux langues anciennés

€t les autres aux langues modernes. Mais, comme il

serait trop coùteux et même inutile de réunir dans un

même collége la totalité des langues modernes dont

On peut avoir besoin, on enseignerait ä-peu-près dans

tous celle qui est d’une utilité plus générale, Panglais, 11

_— 82 par exemple, et l’on y ajouterait, selon les localités, dans les uns lallemand, dans d’autres l’italien, dans d’autres l'espagnol , etc. Paris, réunissant plusieurs colléges, chacun pourrait y avoir la spécialité sous ce rapport. |

Nous avons dit plus haut que les connaissances primaires qui devraient être exigées étaient, pour le français , les connaissances de la grammaire et de analyse grammaticale, ainsi qu’une orthographe très correcte et très raisonnée, ce serait un point dont on n’aurait pas à s’occuper au collége ; pour les mathématiques, l’'arithmétique jusqu’aux propor- tions inclusivement, et des notions élémentaires de géométrie pratique, on reprendrait l’arithmétique depuis les proportions, et la géométrie depuis le com- mencement.

Quant aux autres sciences , on les reprendraient toutes depuis le commencement, mais on les étu- dierait d’une manière plus profonde, et Pon join- drait : à la géographie, des connaïssances de statis- tique ; à l’histoire , des considérations d’un ordre plus élevé; à la cosmographie, quelques applications de mathématiques.

Voici maintenant ce plan établi d’une manière rè- guliére et pratique.

07 PLAN D'ÉTUDES.

CLASSE DE 6°.

LEÇONS DU MATIN. ÉTUDES SPÉCIALES.

Commencement du latin et du grec pour les uns.

Commencemeant de l’anglais et de lal- lemand pour les autres, ou d’au- tres langues, selon le collége. Exercices de thèmes et de versions.

Ces leçons ont lieu tous les jours our les langues anciennes , et tous Le deux jours pour chacune des deux langues vivantes.

LEÇONS DU SOIR. ÉTUDES GÉNÉRALES,

: Langue française. Syntaxe de cha-

ue partie du discours. Construc- Uon et emploi des mots. Exercices de narration. (Deux classes par semaine).

Mathématiques. Arithmétique de-

puis tes proportions. Les deux remiers livres de la géométrie.

{Une classe par semaune.)

Géographie. Revue rapide de la géographie générale du globe et de géographie particulière de chaque état. Géographie ancienne.

(Une classe par semaine).

Histoire. Histoire grecque et his- toire romaine.

(Une classe par semaine.)

CLASSE DE 5%,

Suite de l'étude du latin'et du grec.— Suite de l'anglais et de l'allemand. Exercices de thèmes et de. ver-

sions. Compositions de lettres

en anglais et en allemand,

Langue française. Etudes des diffi- cultés de la langue et des questions en litige. Solution des questions grammaticales. Exercices de com- position. : (Deux classes par semaine.)

Mathématiques. Le troisième et le quatrième livre de la géométrie. (Une classe par semaine.)

Géographie. Géographie particu- lière et très détaillée de la France. (Une classe par semaine.)

Histoire. —Histoire spéciale de France. (Une classe par semaine.)

01 = CLASSE DE 4e, -

Suite de l'étude du latin et du grec. | Langue française. Etude des syne- Suite de l’anglais et de l'allemand. nymes.— Exercices de compositions. Etudes des poètes. Traduction (Deux classes par semaine.) suivie d'un ouvrage français en an- Mathématiques. Le cinquième livr® glais et on allemaud. de la géométrie. Les logarithmes.

(Uue classe par semaine.) Géographic. Géographie ancienne et moderne comparées. (Une classe par semaine.) Histoire. Histoire spéciale des princi- paux peuples modernes. (Une classe par semaine.)

CLASSE DE 3°,

Suite de Pétude du latin et du grec. | Langue française. Etude des règles

—Suitede l’anglais et de l’allemand. de la poésie. Examens critiques Suite de l'étude des poètes, d'ouvrages de lit:ature , sous le Exercices de narrations, rapport de la correction du style.—

Exercices de compositions. (Deux classes par semaine.) Mathémathiques,. Le sixième livre de la géométrie. Les quatre opé- rations algébriques. (Une classe par semaine.) ; Géographie. Géographie du moyen | âge. (Une classe par semaine.) Hisioire. Histoire du moyen âge. (Une classe par semaine.)

CLASSE DE 2e,

Suite de l'étude du latin et du grec.-- | Langue française, Continuation de

Suite de langlais et de l'allemand. l'examen critique d'ouvrages de lit- = Explicalion des auteurs les plus térature en prose et en vers.—Exer- difficiles dans ces deux langues. ‘cices de compositions.

(Une classe par semaine.)

Mathématiques. Le septième et le huitième livres de la géométrie. Equations du premier degré.

(Deux classes par semaine.)

Physique et. Mécanique élémentaires. (Une classe par semaine.) Histoire naturelle. (Une classe par semaine.)

CLASSE DE RHÉTORIQUE.

Saite de l'étude du latin et du grec, | Langue française. Rhétorique fran-

Rhétorique latine. Suite de Pan- çaise. Cours complet de litiéra- glais et de l'allemand. Littéra- | ture. Composition de discours ture. Composition de discours. français.

(Deux classes par semaine.)

Mathématiques. Elémens de trigo- nométrie, Equations du deuxième degré. (Deux classes par semaine.)

: Astronomie,

(Une classe par semaine.)

Chimie.

(Une classe par semaine.)

Nora. Ces deux derniers objets DOurrRent être enseignés seulement, ’un pendant le premier semestre, et

| Pautre pendant le deuxième. h

ar ANNÉE DE PHILOSOPHIE.

Philosophie. . | Mathématiques spéciales, 2®+ ANNÉE DE PHILOSOPHIE.

Cette seconde année devrait être une année complémentaire et purement facultative, dont les élèves pourraient profiter pour se fortifier sur leurs études littéraires et scientifiques.

T'el est le plan d’études que je propose, et qui me parait devoir satisfaire aux besoins généraux. Il est sans doute susceptible de quelques modifications de détails; mais le fond et l’ensemble de l’organisation

60

me semblent ce qu’il y a de plus propre pour concilier toutes les exigences. Îl est encore plusieurs autres points qui peuvent influer sur Le succès des études et que je dois examiner.

Un grand nombre d’élèves se traîne d’année en an- née sur les bancs sans résultats; et cela tient d’abord à la sécheresse des études, dont la monotomie est re- butante; une plus grande variété dans les objets d'enseignement serait pour beaucoup un motif d’at- trait et d’'émulation, et, en second lieu, au vice des études primaires, comme nous l’avons démontré; mais cela tient encore à ce que l'obligation d’obtenir des résultats n’est pas assez rigoureuse, ou pour mieux dire cette obligation n’existe pas; car il ne faut pas se le dissimuler, les prix ne sont réellement un stimulant que pour les plus forts; la grande masse des élèves médiocres est plutôt découragée, aussi ceux qui n’en obtiennent pas en prennent aisément leur part, parce qu’il n’en résulte pour eux aucune conséquence fàcheuse. Il faudrait donc trouver le moyen de les mettre en quelque sorte tous dans la nécessité de réussir, et d’y intéresser leurs parens et leurs professeurs. Voici ce que je propose pour at- teindre ce but. |

Les élèves passant d’une classe dans une autre sans avoir, la plupart du tems, profité en rien de l’instruc- tion donnée dans celle d’où ils sortent; ils devraient

07 ==

tous être soumis à un examen à la fin de l’année clas- sique. D’après cet examen, on rejetterait tous les ignorans et l’on n’admettrait à la classe suivante que ceux qui auraient les connaissances nécessaires. On délivrerait à ces derniers un certificat qui pourrait être regardé comme une récompense, avec lequel ils pourraient se présenter dans quelque collége que ce soit. À cet e£et, il faudrait que la quantité de ma- tières enseignée dans chaque classe fût parfaitement déterminée, et qu’on établit un manuel d'examen comme pour le baccalauréat. On conçoit que, par ce moyen bien simple, les élèves, les parens même, et les professeurs, sont intéressés à la réussite ; ces der- - niers surtout auraient un inlérêt majeur à ne pas con- centrer leur attention sur les dix plus forts qui peuvent oblenir des succès dans les concours. J’appelle sur ce dernier point toute l'attention de l'autorité compé- tente.

Il est encore un second moyen non moins efficace que le premier. Le grade de bachelier est facultatif ; si ce n’est pour quelques professeurs, je voudrais qu’il fût obligatoire, et que tout élève, à la fin de ses études, dût subir un examen à la suite duquel on lui conférerait le diplôme, s’il y a lieu.Le rejet serait né- cessairement une honte qui exciterait beaucoup de jeunes gens au travail, et qui pourrait avoir des con- séquences. Mais, comme d’après le plan ci-dessus,

= 98

les élèves peuvent suivre tel ou tel genre d’études, je voudrais que ce grade fût susceptible de trois degrés. Pour le premier, que j’appellerai baccalauréat és-let= tres françaises, examen porterait sur tous les objets d'enseignement vus jusqu’en rhétorique inclusive- ment, à l’exclusion des langues mortes et des langues vivantes; pour le second, qui serait le baccalauréat ès- lettres anciennes, le fond de l'examen serait le latin et le grec; le troisième, serait celui qui est connu sous le nom de baccalauréat és-sciences, Ces trois grades devraient être indépendant des uns des autres, ce qui est une condition tres importante; mais l’on pourrait accorder un titre particulier à celui qui les réunirait tous, celui, par exemple, de hbachelter- général.

Afin de donner à ces divers titres plus d’impor- tance, et afin de mettre les élèves et les parens dans le cas d’y tenir, quelque fût la destination des jeunes gens, je voudrais que nul ne püût être admis à une fonction publique quelconque sans avoir au moins l’un des trois. On conçoit alors quel intérêt chacun aurait à posséder un titre qui deviendrait un passe- port indispensable pour parvenir aux emplois ; non seulement, par ce moyen, le gouvernement forcerait un plus grand nombre de jeunes gens à faire des études sérieuses; mais mn'attirerait à lui que les capacités.

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: Voyons maintenant comment ce plan peut se con- cilier avec la liberté de l’enseignement, et examinons en même tems ce qui constitue cette liberté, ainsi que le monopole, quel rôle les colléges doivent jouer dans l'instruction publique, et s'ils doivent avoir quelques priviléges.

En Angleterre, il n’y a point de colléges intermé- diaires entre l'instruction primaire et les universités; l'instruction classique s’y puise entièrement dans les établissemens particuliers; pour être admis aux uni- versités il suffit de faire preuve des connaissances requises sans qu’on s'inquiète on les a puisées ; et comme les Anglais ne sont pas plus sots que nous, on pourrait en conclure que, puisqu'ils se passent de colléges , nous pourrions à la rigueur aussi nous en passer ; cependant, telle n’est point ma proposition, je les regarde comme éminemment utiles ; en ce sens qu'ils seront de la part du gouvernement non une spé- culation , mais un moyen de répaudre à peu de frais une instruction d’un ordre élevé qu’il serait difficile de se procurer ailleurs. Les collèges doivent être un bienfait pour la population , libre toutefois aux fa- milles d’en profiter ou non; car un bienfait imposé cesse d’être un bienfait, il devient une vraie tyrannie, et c’est le cas nous nous trouvons par la législation universitaire. Cette législation exige que les jeunes : 8ens justifient du grade de bachelier pour certaines j 12

90 études spéciales, en cela le gouvernement n’a point tort ; cette disposition forçer les élèves à un travail plus assidu ; mais cette instruction dont il faut faire preuve, faut-il la puiser ? Dans les établissemens de l’université seulement ; voilà estle véritable mono- pole; monopole plus absurde que celui du tabac; car si le gouvernement.dit aux priseurs et aux fumeurs, vous n’achéterez du tabac que dans mes fabriques, au moins est-on libre d’en prendre ou de n’en pas prendre, tandis qu’on ne peut se passer de latin et de grec, sans renoncer aux Carrières les plus importantes.

Beaucoup de personnes n’ont pas sur ce monopole des idées bien nettes, on ne le comprend pas généra- lement assez bien , et on le voit le plus souvent ïil n’est pas réellement ; c’est pourquoi je crois devoir entrer à ce sujet dans quelques explications sur sa nature et sur son arigine.

Lorsque Napoléon voulut faire des Français une nation de soldats, il sentit qu’il n’y parviendrait qwen y préparant les hommes dès la jeunesse; de Porga- nisation toute militaire des colléges ; mais comme beaucoup de jeunes gens étaient élevés dans des éta- blissemens particuliers que l’on ne pouvait astreindre au mème régime et que l’on ne pouvait supprimer , on chercha à les rattacher aux colléges, en les obli- geant à en suivre les cours dès l’âge de 10 ans, sans distinction de. vocation future. Défense fut faite aux

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établissemens particuliers de faire des classes dans leur intérieur , autres que les classes purement élé- mentaires ; et comme les langues mortes avaient fait de tous temps la base fondamentale, pour ne pas dire unique , des études classiques, ce fut cette branche que le gouvernement se réserva exclusivement, en imposant en même temps l'obligation de la posséder, puisque c’est le fond de l'épreuve du baccalauréat éslettres. Le baccalauréat ès-sciences repose, il est vrai, sur des connaissances purement scientifiques; mais comme on ne peut obtenir ce dernier grade sans posséder préalablement le premier, il en résulte qu’on se trouve dans la nécessité d'apprendre les langues mortes, quelque peu de dispositions qu’on ait pour ce genre d’études.

Le gouvernement se réservant l’enseignement des langues anciennes , la interdit à tout autre; il fut défendu aux instituteurs primaires d’en occuper leurs élèves, sous peine de perdre leur titre; il fut de plus défendu aux professeurs particuliers de réunir pour ce genre d'enseignement plus de deux élèves, méme des grandes personnes , sous peine d’être poursuivis comme tenant un établisssement clandestin. La con- séquence de ce privilège accordé aux colléges fût naturellement de n’être admis au grade de bachelier qu’autant qu’on eùt fait des études dans un établis- sement du gouvernement.

= 09

Ainsi, d’un côté obligation de posséder certaines connaissances, d’un autre côté obligation d’aller pui- ser ces connaissances dansles colléges, etinterdiction à tout autre de les enseigner publiquement, voilà le monopole universitaire. C’est donc une erreur de voir la liberté de l’enseignement dans la faculté indéfinie de créer des établissemens particuliers avec ou sans garanties préalables; cette faculté d’en créer de nou- veaux existait avant 1822, et certainement le mono- pole n’en subsistait pas moins. Ce serait donc une déception si le gouvernement prétendait établir cette liberté, en accordant une faculté qui n’aurait aucun but, si les établissemens particuliers étaient toujours restreints dans un cercle étroit pour les études; ce serait encore une déception , si en leur accordant la faculté de tout enseigner , le gouvernement exigeait que pour obtenir les grades, on eut pris l'instruction chez lui. Que le gouvernement exige des preuves d’un certain degré d'instruction pour être admis aux études spéciales, c’est je crois nécessaire; je voudrais même, comme je l'ai dit, qu’il en exigeàt pour être admis à tous les emplois; mais qu’il suffise de faire preuve de la capacité requise, et qu’on soit libre de puiser la science partout l’on veut, par la méthode que l’on veut, dans des études individuelles, sous un maître particulier ; ou dans un établissement, à l’étranger aussi bien qu’en France; que les colléges soient pour

és: 02 arriver à ce but, une ressource offerte par le gouver: nement à ceux qui veulent en profiter, et que les in- stituteurs particuliers, après avoir fourni les garanties que réclame la société, soient libres de diriger comme bon leur semble l’éducation de leurs élèves; qu'ils puissent à leur gré étendre ou restreindre l’instruetion chez eux, voilà ce qui constitue la véritable liberté de l’enseignement. F’observerai que si, sous ce point de vue, les colléges me paraissent nécessaires, il n’en est point de même si on les considère comme établis- sement à pensionnats ; sous ce rapport leur utilité peut être aisément contestée ; ils présentent même des in- convéniens graves; c’est pourquoi je voudrais qu’à l'instar des gymnases d'Allemagne, * ils ne reçussent que des externes, à l’exception de quelques-uns ex+ clusivement réservés aux bourses que le gouverne- ment accorde aux enfans qu’il se charge d’élever à ses frais. Je crois que le gouvernement y gagnerait, car ses collèges à pensionnat, lui sont plus à charge qu’à profit. Deux questions se présentent ici qui se rattachent intimement à la question de la liberté de l’enseignement; savoir : si l'autorité doit exiger des garanties de la part de ceux qui dirigent des établis- semens particuliers; ensuite, si le nombre de ces éta- blissemens doit être limité ou non. Ces deux questions

*]l y a plusieurs colléges royaux sur ce pied, notamment ceux de Bourbon et de Charlemagne, à Paris.

0 =

sont très importantes, et l'intérêt de la société est à mon avis gravement intéressé à leur solution ; mais j'avoue que je ne les résoudrais peut-être pas dans le sens d’une liberté absolue, parce que je ne vois pas que ce soit dessus que repose essentiellement l’abo- lition du monopole. Je les ai développées dans un mémoire spécial, que je ne reproduirai, pas ici pour ne pas m’écarter de mon sujet; je dirai seulement que la société a le droit d'exiger des garanties de ceux qui se chargent de former la jeunesse. On ne doit pas plus confier l’éducation au premier individu qui pré- tendrait posséder les qualités de l’instituteur, qu’on ne confierait sa santé au premier qui se dirait mé- decin sans avoir fait ses preuves. Il faut non seule- ment des garanties de capacité; mais encore des ga- ranties de moralité et d’aptitude à ces fonctions. Ce sont ces garanties que je concilie avec la liberté de l'enseignement sagement ordonnée , ainsi qu'avec celles que linstituteur doit avoir contre les empié- temens et l’arbitraire du pouvoir.

Er tes

LUI WWW WWW MU LU MAMA LA

pire à ut SÙni

CONTRE

L'AUTEUR D'UNE DIATRIBE,

OU L’ON CENSURAIT AMÈREMENT

LES BALS ET LES OONCERTS D’UKE PETITE VILLE,

Per M. Sauvacs, Membre résidant.

RARES ÉD GEbeemren

JE vous remets, Damis, l'innocent opuscule,

certain esprit de travers, Sans ménagement, sans scrupule, Presque sans talent et sans vers, Cherche à jeter sur nos concerts Une couche de ridicule. Dois-je prendre le même ton, répondre injure pour injure ; Ou prouver, dans un gros facton,

Qu'on ne doit pas soi-même oublier la mesure,

96

Quand on accuse le prochain De pécher contre la cadence ; Que nul édit du souverain, Ne nous interdit la licence, D'employer nos loisirs en tout bien, tout honneur; Que... mais le parti du silence, Contre un si terrible joûteur, Est, pour l’homme sensé, je pense, Et le plus sage et le meilleur. Laissons rimer en paix notre jeune critique S'il est connu de vous; s'il est de vos amis ; Et dans son humeur satyrique, S'il veut bien suivre encor un salutaire avis, Fuyez, devriez-vous lui dire, Le dangéreux penchant à censurer autrui. Tel que vous blessez aujourd'hui Demain peut, contre vous, rétorquer la satyre. Ce n’est qu’au talent bien connu Qu'on peut pardonner de médire, Et, pour ne pas être mordu, Il faut être plus haut que ceux que l’on déchire ; Or, à ce point vous n'êtes pas rendu, Soit dit sans vous fâcher. Vous avez du mérite, Mais Pégase est capricieux ; I bronche quelquefois. Une chûte maudite

Punit l'auteur présomptueux.

Consultez mieux vos goûts, vos forces, votre verve, Exercez vos talens sar un plus digne objet; Quand on choisit mal son sujet, On s’expose à rimer en dépit de Minerve. Au contraire, les vers coulent facilement, Quand c’est elle qui les inspire ; Mais renonces à la satyre. Le méchant n’a point de plaisirs : Par son mauvais côté saisissant chaque chose, Il ne voit que l'épine et méprise la rose, Plus dignement occupez vos loisirs. L'amour a-t-il sitôt pour vous perdu ses armes, L'amitié ses douceurs, la nature ses charmes ? Quels nobles sujets pour vos vers! Evitez surtout le travers D'une fausse délicatesse : 1 prouve moins l'esprit que la fatuité. Pour paraître savant, on fait le dégoûté ; On trouve à tout quelque chose qui blesse. 1 faut dans la société Apporter un peu d'indulgence ; Chacun en a besoin par un petit côté, Et votre Muse a fait, de cette vérité, Peut-être trop souvent la triste expérience. Si donc nous avons le malheur, Par des sons discordans de blesser votre oreille : 13

= 98

bien ! si vous êtes danseur, Vos pas mal mesurés nous rendront la pareille. A quoi bon naus fâcher et nous mettre en courroux ? Rions de nos mésantures ; Et que nos joyeuses censures Naissent et meurent entre nous. Mais, que dis-je? Ceci n’est déjà plus pour vous. D'avoir fui nos concerts votre muse se flatte, Votre oreille trop délicate, Et sans doute exercée aux sons harmonieux, À la sublime mélodie De Paris et de l'Italie, N'entend dans nos rustiques lieux Que les sons discordans de la cacophonie. Voilà le malheur du génie ; S'il ne jouit comme les Dieux, 11 bâille avec orgueil, fièrement il s'ennuie. Mais pour nous, gens grossiers, nous avons la manie De trouver toujours de saison | La plus légère jouissance : Le plus mince plaisir est pour nous d'importance, Plus heureux que les beaux esprits, A la simple musette, à la danse brétonne, Nous trouvons encor quelque prix. D'ailleurs , nous savons bien qu’on n’est pas à Paris,

Quand on est aux sables d'Olonne.

99 Petits pays, petits danseurs, Petit chant, petite musique, Et souvent petits connaisseurs ; Mais d'exceller en rien nul de nous ne se pique, Et c’est envain que la critique Nous décocbe ses traits amers ; En nous amusant bien, nous lui faisons la nique. Rélégués dans un coin de ce vaste univers, Entre des monts de sable et des rochers sauvages, Que nous avons d'esprit et que nous sommes sages; D'ègayer nos tristes hivers, Par la danse, le ehant, les jeux et les concerts ; Et combien de salons déserts Voudraient jouir des mêmes avantages? Pour vous, mon cher censeur, livrez-vous tout entier Aux sublimes lecons de la mélancolie. Tandis que nous tâchons de nous désennuyer, Héraclite nouveau , pleurez notre folie : Aimez les vieux châteaux, les spectres, la terreur, Et partisan de la misantropie, A frissonner mettez votre bonheur . J'aime mieux, sous ma main brûlante, Sentir de la beauté battre le jeune cœur, Quand, de sa marche chancelante, Dans. une walse qui m'enchante,

Je deviens l'heureux protecteur.

100 Adieu, de nos plaisirs indiscret déserteur : Craignez le sort du héron de la fable. Peut-être que, dans vos vieux jours, Par la privation devenu plus traitable, Vous courrez dans les carrefours Entendre le ballet des ours.

Ici finit ma longue kyrielle ; Je craindrais d’abuser, Damis, de vos instans. . Six heures vont sonner ; ne perdons pas de tems, | Partons, le plaisir nous appelle. L'heure s'enfuit et nous passons comme elle, Plus le voyage eswourt, plus il faut l'embellir ; Et quand, sur le chemin, naît une fleur nouvelle. Empressons-nous de la cueillir...

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6 Éemmes

POËTES FRANÇAISES

Du 29° arÈOLz.

Par M. F. Deceonce, Membre résidant.

RS ÉS aSenmcmens

LA poésie est aussi ancienne que le monde ; {out ce que nous savons de son origine atteste qu’elle a pré- cédé la prose, car ce n’est que huït cents ans après Orphée et quatre siècles après Homère que la prose parut la première fois dans ces petites compositions, appelées du nom de fables, dont Esope fut, dit-on, ‘Fnventeur.

Née avec l’homme, la poésie a toujours été cosmo- ‘polite. On Ia rencontre chez toutes les nations. En Judée, elle chante l’histoire du peuple roi; elle fait le ‘récit de ses grandeurs; le touchant tableau de sa mi-

. sère au temps de l'esclavage, de ses merveilles au

temps de la délivrance, et célèbre la vie héroïque de

‘ses ancêtres ct de ses rois. En Grèce, elle conduit les

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citoyens aux combats; elle exerce ur pouvoir souve- rain sur les cœurs , et gouverne à son gré toutes les passions. On la retrouve en Orient, et chez les peuples sauvages de l'Amérique. Partout les premiers. poétes ont été les chantres de l’héroïsme , les percep- teurs de la morale, les historiens du présent, du passé; même les prophètes de l'avenir. Oh! ne peut on pas se figurer la poésie, comme on représente la terre dont elle est la plus ravissante des filles : une belle nymphe dont l’univers entier constitue l’empire, qui, pour chevelure, a des forêts; pour mamelles, des mon- tagnes; pour yeux, l’astre du jour et de la nuit; pour voix, les vents et les eaux ; pour manteau, les mers avec toutes leurs perles ; les cieux avec tous leurs éclatans flambeaux.

La poésie et la musique marchérent long-tems inséparables. C'était aux accords de la lyre, que Tyrtée, Alcée , Simonide., chantaient leurs odes en menant les Grecs aux combats. C’est à l’alliance de Méhul et de Rouget de Lille, que nos valeureux pères durent cet enthousiasme republicain, qui contribua si puissamment aux triomphes de nos armées, et en- flamma jusqu'aux nations vaincues, à qui la Marseil- laise , apportait en courant une part de notre liberté.

Au tems de l'enfance de la poésie toutes les diffé- rentes espèces se trouvèrent confondues. dans la même création. Peu à peu l’ordre sortit du chaos ; les

= 103 genres s’établirent, se classèrent. Le partage s’en fit : les femmes adoptèrent les poésies légères; les hommes retinrent les chants graves, revendiquèrent pour eux seuls, la trompette de l’Epopée.

Douées d’une imagination souple et facile; d’une extrême délicatesse dans la manière de sentir, les femmes étaient appelées par la nature, à peindre les sentimens tendres, les peines du cœur, les plaisirs ou les angoisses de l’amour, de cet amour chaste et timide , qui, voilé par la pudeur, effrayé par la reli- gion, retenu par la morale, perd sous la plume de l’homme, une partie de sa virginité. Partout les femmes ont excellé dans ces sortes de peinture; une sainte, une vierge espagnole, Ste.-Thérèse, a laissé un sonnet, qui fera éternellement ladmiration de ces ames tendres et impressionnables qu’embrasent à-la- fois Pamour, la chasteté et la vertu.

Le talent poétique des femmes n’est pas restreint aux peintures de lamour ; loin de notre pensée un tel blasphème, loin de nous cette basse envie qui, par orgueil pour un sexe, fait refuser à l’autre le génie. Qui contesté l’intelligence encyclopédique à la femme ressemble au courtisan qui ne croit pas à l’indépen- dance du citoyen, au vil esclave qui sourie d’un air moqueur, au mot de liberté. |

L’imagination de la femme n’est pas plus circons- crite que celle de l’homme ; la différence d'éducation

104

a pu. seul apporter quelque différence dans Pétendue de sa capacité. Ainsi que nous, les femmes peuvent chanter les charmes de la vertu, les beautés du pays, les douceurs de l'amitié, les bienfaits du travail, les prodiges du génie. M" la princesse de Salm, s’inspi- rant des idées nouvelles, a montré combien son juge- ment était élevé et sa raison solide. M**° Bourdic-Viot, châtiant dans son apologue du Pinson, un petit-maître qui l’importunait, a prouvé que l’arme de la satyre n’était pas plus étrangère que le carquois de l’amour à ses délicates mains. Dans leurs querelles littéraires, nous avons vu les femmes, générauxhabiles, attaquer précisément le côté faible de leur adversaire, le pour- suivre, le presser, et ne lui faire grâce que lorsqu’il était tombé, soumis et supplaint à leurs pieds, La lecture de leurs ouvrages, nous a révélé comment elles pouvaient faire briller à-la-fois dans leurs vers, l'esprit et la grâce, le savoir et le génie. Si le poète, idole des anglais, a trouvé un traducteur en France, c’est dans une femme; écoutez cette scène, chef- d'œuvre de Shakspeare, que M*° Tastu , en la revè- tant de notre langage, a encore embellie.

JULIETTE. Quoi sitôt! quoi déjà ! déjà tu veux partir ? De l'approche du jour rien n’a pu t'avertir C'était le rossignol, et non pas l’alouette,

0

Dont le chant a frappé ton oreille mquiète ; Crois-en, mon Roméo, ce grenadier en fleurs Qui l'entend chaque nuit raconter ses douleurs ; C'était le rossignol ,. . .

ROMEO.

Vois-ta ma bien aimée, S'étendre à l'horison cette Higne enflammée ?

Il faut partir et vivre; ou rester et mourir. JULIETTE,

Non ce n’est pas le jour ! donc veux-tu courir? Le jour est encor loin. C'est quelque météore Qui pour guider ta fuite a devancé l'aurore Oh!ne pars point!

ROMÉO.

Eh bien! qu'on me surprenne ici, Juliette le veut, et je le veux aussi. Non, ce n’est pas le jour: La lune au front d’albâtre Répand sur nos coteaux cette lueur grisâtre. Non, ce n'est pas le jour ; ce ramage joyeux Qui dès long-tems résonne au plus haut point des cieux Ce n’est pas l’alouette à la voix matinale, L'erreur, si c'en est une, à moi seule est fatale,

14

106 Et qu'importe la mort? qu’en dis-tu mon amour ?

Restons, restons encor : non, ce n’est pas le jour !

JULIETTE.

C'est le jour , c’est le jour ! va-t-en , hâte ta fuite,

Tu ne saurais, hélas! t'éloigner assez vite,

Ces sons étourdissans , cette importune voix,

C'était bien l’alouette : oh! mieux vaudrait cent fois Entendre du hibou le cri rauque et bizarre

Que ce héraut du jour dont le chant nous sépare.

Aucun genre de talens n’est hors de la portée des #emmes ; nous le proclamons hautement parce que c’est le cri de notre conscience.Néamoins, s’il nous fallait choisir entre leurs diverses productions ; s’il nous fallait ériger un culte d’admiration pour qu’el- qu’une de leur œuvre particulière; ce serait lorsqu’une Desborde ou une Waldor nous parlent amour, que nous déifierions le féminin poète, que nous nous pros- ternerions à ses pieds.

La sensibilité, il fant le dire, est le domaine des femmes. La nature qui les fit belles, qui les fit pour aimer: qui mit presque toute leur raison dans leur cœur ; la nature accorda presqu’à elles seules le don de peindre dans toute sa vérité , dans tout son aban- don, dans tout son développement, les différens symptômes , les différens mouvemens, les différentes

107 phases de la passion qui constitue leur existence. Aussi, celui seulement qui pourra expliquer les charmes des regards, du sourire, de la démarche d’une amante adorée :

Grace in all her steps, Heay’n in her eye, In every gesture dignity and love

celui-là seul pourra expliquer tout le charme des vers d’une femme vraiment inspirée par l'amour. Elle seule peut, sans blesser la pudeur , sans faire rougir l'innocence, rendre l’emportement de ces désirs vo- luptueux quiincendient tout un être.Ces désirs qu’elle représente, voilés par la honte, n’en deviennent que plus séduisans. Ces craintes, ces détours , ces réser- ves , ces tendres et naïves finesses, ce bonheur des amans , elle seule les sait exprimer. Ses aveux timi- des, incomplets, disent mieux ce qu’elle veut taire, ce qu’elle éprouve, qu’une confession entière. En p’avouant rien la femme dit tout, et l’amour est connu, et l'amour est compris, et l’ame de l’amante a révélé sans qu’elle y songeàt , l’objet de tonte sa tendresse. . Compagnes. inséparables de la liberté, les muses qui l’appellent leur sœur, ne fleurissent et ne règnent que sous le patronnage de la puissante et immortelle Déesse. Aussi n’est-ce que depuis la grande révolution morale. du christianisme, et surtout depuis la com- plète émancipation des femmes par la révolution fran-

108 çaise, que ke sexe-aimant , admis dans Vintimité du sexe-fort, a pris un rang dans la littérature . et cessé d’être étranger aux affaires de la patrie.

Avec le christianisme, la force physique, le couragé moral, la vigueur intellectuelle ne régnèrent plus ex- clusivement sur la terre : une vierge, une mère, une épouse, égales de l’homme aux yeux du dieu révélé par Pévangile, devinrent pour tous un dbjet de res- pect et d’adoration. Avec Ia révolution de 176g, les femmes n’eurent plus le sort de la fille sauvage, allai- tant son premier sous le chène du désert, ou bien ke destin de la jeune Athénienne, maîtresse de Péri- clès. Elevées pour partager les travaux et les plaisirs des hommes ; pour nourrir nos enfans dans amour de la patrie et de la liberté; on commença dès lors à comprendre qu’elles ne pouvaient être ni nos tyrans ni nos esclaves; nous opprimer ni être opprimées par nous; que pour les rendre heureuses et l'être, l’homme n’avait qu'un moyen : les laisser égales à lui. Aussi bientôt vit-on une ère plus glorieuse luire pour les

femmes: dignes et secourables compagnes de notre vie,

elles devinrent les institutrices de nos mœurs plus fères, et fondèrent avec nous sur des bases inébran- lables, le culte de la vertu, du génie et de la liberté. C'est ainsi que la sublime Roland, la courageuse Sombreuil, lhéroïque Charlotte Corday, l’admirable Lavalette, l’intrépide Plater, ont donné des exemples

109 de courage, de patriotisme, de dévoüment, à un sexe qui retint trop long-tems les femmes dans un abrutis- sant vasselage. C’est ainsi que la tendre Babois, l’élo-

quente Staël, la poétique Tastu, vinrent démentir Rousseau, qui, exceptant la seule Sapho de son lit- téraire anatheme, avait osé, dans son Héloïse, re- fuser aux femmes le feu sacré du génie.

Cette Sapho, la première, mais non pas comme

Rousseau l’a prétendu, Panique femme de génie que la terre ait conçue; cette Sapho, presque contempo- raine d’'Anacréon , et pourtant si différente de ce chan- tre du bonheur; cette Sapho , inspirée par amour, malheureuse par amour, victime de sa tendresse pour Phaun , a arraché du cœur d’une femme, de _ M*° Denne-Baron, déjà connue par la traduction de plusieurs églogues de Virgile, une ode superbe, les regrets, les gémissemens, la colère, le désespoir d’une passion incurable sont rendus avec cette amer- tume que l’amour heureux , couronnés de roses, sa- turé de jouissances, et buvant comme Anacréon, un nectar délicieux, ne connut jamais; écoutons :

SAPHO.

Sur un roc escarpé Sapho dans son délire Disait ainsi ses maux, aux accords de sa lyre : « Cruel Phaon, tu méprises mes feux ;

» Pour toi Sapho n'a plus de charmes ;

110 » Perfide, mon amour t'est-il donc odieux ? y Ou bien prends-tu plaisir à voir couler mes larmes ? ». Tout en proie aux feux de Amour, », Ne.connaïssant que son ivresse, » Pour toi j'abandonnai la cour » Du Dieu qu’on adore au Permesse ; » Et semblable au lis éclatant » Que flétrit le souffle brûlant », De l’Aquilon, fils de l'Orage, » Je languis à la fleur de l'âge. » pouvais-tu trouver un cœur comme le mien ?

» Tu fus mon seul amour et mon souverain bien

3 Viens près de moi sur cette rive j:

» Pour te charmer ma voix plaintive. + Chantera les amours des Dieux ; » Ou bien, en parcourant la plaine, » Je te dirai du fils d'Alcmène » Tous les travaux audacieux.

» Accours, Phaon, je brûle, je t'adore;

» Ah! viens calmer le feu qui me dévore,. » Sois touché de ma douleur, » Et que du moins ma constance. » Chasse à jamais de ton cœur » La cruelle indifférence.

» Que je puisse exhaler ma vie entre tes bras! |

cum

id » Si je vois de tes yéüx s'échapper quelques larmes; » Je trouverai dans mort mille appas,

» Et l’horrible Atropos aura pour moi des charmes.

» Mais que dis-je! Grand Dieu! l'excès de mon tourment » M'abaisse à supplier plus indigne âämant !

» Quoi! dans Mitylèné

» J'aurais un vainqueur!

» Que plutôt la haine

» Habite en mon cœur ;

‘» Que Phaon, sensible

» Aux feux de l'Amour,

» Me trouve inflexible ,

» Et brûle à son tour! |

» Trop indigne flamnie, |

» Qui sut me chärmer,

» Füis loin de mon ame

» Lasse enfin d’aimet.

» Douce indifférence,

» Viens, reprends tes droits,

» Comme en mon enfance,

» Tiens-moi sous tes lois.

» Insensée! insensée! ah! quelle est ma folie! 5 J'oublie en ce moment qué t'aimer est ma vie :,

» Tous mes regrets sont vains, mes vœux sont superflus:

112

» Peut-être aux justes Dieux mon amour semble un crime ! » Ah! s’il n’est plus d'espoir, cruel fils de Vénus, » Je dois finir mes jours, recois donc ta victime ! »

À peine elle acheva ces mots, :

Que, dans son aveugle délire,

Elle s'élance avec sa lyre

Dans l’abîme grondant des flots. Soudain on entendit une douce harmonie, Le ciel sembla briller d’un jour plus radieux, Tout célébrait Sapho, tout chantait son génie, Et la mer et la terre, et l'enfer et les cieux. Comme une de leurs sœurs, les filles de Mémoire L’acceptent dans leur sein ; d’un rayon de sa gloire Apollon couronna son front majestueux : Pour lui faire oublier un amour déplorable Mercure lui fit boire à longs traits le Léthé,

Et le destin irrévocable

Lui donna l’inmortalité.

Se laissant aller aux inspirations de leur ame et marchant sur les traces de M"° Deshoulières, M" de Beauharnais, de France, de Petigny et de Bourdic- Viot, veuve à sa seizième année, se rendirent célè- bres au commencement de ce siècle.

113

M°* Babois, Verdier et Vannos les surpassèrent, celle-ci par des élégies pleines de douceur et de charme; M*° Verdier, par la publication d’une idylle charmante sur la fontaine de Vaucluse; et la première des trois, que Ducis surnomma la Sapho des Mères, par deux volumes de poésies fugitives parmi lesquelles se trouvent ces six élégies sur la mort de sa fille, où, dit Chénier :.« toutes les idées sont de tendres souvenirs et tous _ vers sont des larmes. » .

C’est dans celle de ces élégies intitulée : le Déses- poir, que se révèle tout le cœur d’une mère. Elle est au chevet du lit s'éteint lentement sa fille. Elle pleure, et elle console; elle est tremblante et - elle prie. Attentive aux dangers qui menacent son enfant, entendez-vous cette prière éloquente, et telle qu’en dicte seul le cœur d’une mère? Elle ap- pelle Dieu à son secours ; et quand Dieu a été sourd à ses supplications ; quand le front pâle de sa fille est tombé froid sur son sein; égarée, éperdue ; n’ayant plus de grâce à demander, n’ayant plus le Tout- Puissant à fléchir, elle accuse, elle apostro: phe, elle menace le ciel, et dans son désespoir, elle laisse échapper ces vers, que toute. femme ai- mante a senti vibrer dans sa poitrine, au premier moment la mort est venue lui enlever son pre- mier né.

19

Ï14 Malgré moi-même, hélas ! de ma fille expirante Je retrouve en tous lieux l'image déchirante ; Je sens encor ses maux, je la revois en pleurs, Tour à tour résistant, succombant aux douleurs, S'attacher à mon sein, et, d'une main débile, Sur ce sein malheureux se chercher un asile

D Ni on nee M nice Je 4, 0te Ses yeux cherchent mes yeux, sa main cherche ma main Elle m'appelle encore, et tombe sur mon sein...

. Dieu puissant, Dieu cruel, tu combles ma misère!

C'en est fait, elle expire ; et je ne suis plus mère!

Ma fille! Non le sort n’a pas tranché tes jours;

Me séparer de toi n’est pas en ma puissance ;

preuve de ta vie est dans mon existence,

Oh! reste dans mes bras ; pour combattre tes manx J'inventerai des soins et des secours nouveaux ;

Tout devtendra possible au transport qui m'inspire : Ma fille, tu vivras, puisqu’enfin je respire.

À la différence de tant de gens qui pensent être

poètes, sans avoir reçu influence secrète, M” Ba- bois est devenue poète sans y penser. On peut lire dans ses œuvres de quelle manière elle raconte , avec autant de modestie que de simplicité, comment elle fut avertie de son talent : la douleur,

Si pourtant la douleur doit s'exprimer si bien.

115

M”* de Genlis, Perrier-Candeille, Azaïs et Joli- veau, furent contemporaines de M”*° Baboïis ; mais aucune d’elles n’eut ni sa sensibilité exquise, ni son ame impressionnable , ni son cœur et d’amante, et d'épouse et de mère. Aucune d’elles n’a su deviner comme elle ce secret qui fait qu’on rencontre dans le monde tant d’amans et si peu d’amour ; pas une n’a su définir aussi bien que M= Babois, ce sentiment, et toutes les nuances qu’il prend selon le caractère et les individus, et trouver cette expression si heu- reuse et si vraie, que, «l’histoire des ames tendres est un roman pour toutes les autres. »

M” de Genlis, célèbre par quelques bons romans ; | et plus célèbre encore par son ardeur républicaine au commencement de la révolution, et par sa haine contre les philosophes à la fin de sa carrière, est au-dessous du médiocre comme poète. M” Per- rier-Candeille n’a fait que quelques chansons, et M" Azaïs est plus redevable de sa réputation lit. _téraire aux vingt volumès qu’elle publia de compa- gnie avec son compensalif mari, sous le titre du Nouvel ami des enfans, qu’à ses vers, trop rare- ment inspirés par la muse de ja poésie. Il n’est _ Parmi ces quatre. dames, que M” Joliveau qui ait su, marchant sur les traces de Florian, atta- cher son nom à quelques fables qui ne périront pas, et dont la plus courte de tontes est une le-

| = 116 çon à nos flatteurs des hauts dignitaires de province; la voici : a | L'ENFANT SUR L'ÉPAULE.

Un bon papa faisait sauter son fils ; ll le prend sur l'épaule, et l’enfant se redresse : « Que tous les hommes sont petits ! » Se disait-il avec ivresse.

Chacun autour de lui s'écriait : « Qu'il est grand! »

On traite l'homme en place ainsi que cet enfant,

Le véritable successeur de M”* Babois, et peut- être, plus qu’elle encore amante et poéte, c’est M=* Waldor. On peut dire d’elle, comme de la tendre mère dont nous avons raconté la douleur, dont nous avons peint les angoisses, on peut dire de M” Wal- dor, que son talent est tout entier dans son cœur. Ecoutez, c’est lui, c’est le cœur du poëte qui demande au ciel une amante pour un pauvre pêcheur. |

LE PÉCHEUR.

» J'ai vu fuir ma vingtième année, Et nul cœur n’a compris ce qu'a mon cœur d'amour, Et nulle vierge encore ausoir de la journée » Ne m'a donné la fleur fannée

» Qui toucha son sein tout un jour.

117 —. » Ma barque abandonne la rive | 4 » Sans qu'une douce voix dise le mot Adieu, » Sans qu’un regard craintif sur les flots la poursuive, » Sans qu'une prière plaintive

» Tout bas la recommande à Dieu.

» Sur les flots a grondé l'orage ; » Du haut du ciel en feu sur moi l'éclair a lui, | » Sans qu’une femme, en vain rappelant son courage, » Ait dit, à genoux sur la plage : » Sainte Viege , veillez sur lui.

Les vers de M" Waldor, comme ceux de M"° Des- bordes-Valmore, dont nous parlerons bientôt, res- pirent le feu d’amour le plus pur , la passion la mieux sentie. Ils sont le commentaire de ce mot si donx : Aimez! Ils paraphrasent cette exclamation d’une vierge pécheresse, à qui il fut beaucoup pardonné parce qu’elle avait beaucoup aimé : «les malheu- reux! disait Ste.-Thérèse en parlant des damnés, ils ne peuvent plus aimer! » Le travail ne nuit pas à l'inspiration poétique de M” Waldor, et sa muse qui gémit sans cesse ne fatigue jamais par sa monotomie. Ecoutons , dans la touchante élégie ayant pour titre : Marie, les gémissemens de cette

Ù

118

amante qui n’a que trop raison de craindre de n'être plus aimée.

© mon Dieu, c’est bien lui... lui qui m'a tant aimée, Lui qu'attendant toujours je n’espérais plus voir... Mais il dort, et tout bas je crois qu'il m'a nommé; À ses pieds doucement je vais aller m'’asseoir.

° e e e . « « . e - « e e . e EN

Oh! je veux aussi, moi, sourire à son sourire; Je ne me souviens plus d’avoir versé des pleurs ; C'est un songe effacé. c’est un temps de délire, Un orage qui courbe et ne rompt pas les fleurs.

Hier encor je pleurais en voyant la journée S'avancer et finir. finir sans qu'il fût là! Hier encor je disais : Je suis abandonnée...

Je l'attendrai toujours... toujours, et le voilà!

Que je tremble aujourd’hui de n'être plus jolie, :

Car une blanche rose est moins pâle que moi.

Oh! pourquoi, me livrant au trouble qui m'agite, Désenchanter ainsi le plus beau de mes jours! Le bonheur près de lui m’embellira si vite!

Î peut m'aimer encore, il peut m’aimer toujours.

119

Lt à : #4

] » e e e L] Li] e e. e. . e e [] Li

Attendons un instant ; derrière lui cachée

Je le vois, je l’écoute : il dit des sons confus...

Et la pauvre Marie, attentive et tremblante,

Du feuillage écartant la masse vacillante, Ecoutait.…. Mais bientôt sa main cherche un soutien. Un voile froid descend sur sa tête brûlante;

Ï avait dit un nom qui n'était pas le sien.

\ t

Nous r’avons ln nulle part la biographie de M” Waldor, mais les vers que nous venons de citer, et plus encore l’élégie intitulée la jeune Fiancée, prou- veraient que cette dame n’a pas été heureuse en amour ; cette dernière pièce, la jeune Fiancée, est l'expression vrai du deuil du cœur ; c’est une amante

Qui souffre et qui pardonne; qui prévoit sa dernière heure et qui semble aspirer au repos du tombeau.

M"° Waldor n’a pas la raison et lélévation de pensée que l’on admire chez la princesse de Salm et qu’on retrouve dans les poésies de M"*” Céleste Vien et Elisa Mercœur ; celle-ci, au sortir de l’enfance ; traductrice hatdie de Bÿron; celle-là, helléniste dis- tinguée maïs sans pédanterie, élevant dans un chant sacré, dans le poëte , dans le courtisan , ses accords élégiages jusqu’au son de l’épopée. Mais, si M” Wal- dor, est au dessous de ces dames dans le genre sévère, elle leur est supérieur dans le genre tendre, mélan-

120

colique et gracieux. Chez elle aucune de ces nom- breuses négligences de style , que l’on peut reprocher à la jeune muse de Nantes (M" Elisa Mercœur ); aucune trace de cette prétention au savoir qui dépare les épitres à Sophie, et les discours d’ailleurs si excel- lens, sur des divisions des gens de leitres, et sur l'esprit et Paveuglement du siècle (M"° le prince de Salm }); nul vestige de cet enivrement de louanges qu’on re- marque dans quelques-unes des nombreuses poésies de M" Delphine Gay; rien enfin de cette soif de gloire dont Dufresnoy était tourmentée. M” Waldor , chante l’amour sans s’enquérir s’il est un capitole l’on couronne de tels chants. Ce n’est point elle, qui pensionnée, comme M” la comtesse de Bawr, par un roi de France, eût consenti à mé- sailler sa muse en l’employant à une correspondance politico-littéraire avec un empereur de Russie. On rougit pas pour M” Waldor, comme pour l’auteur de l’ode sur la mort du général Foy, en la voyant chantre de la liberté, suivre humblement les pas du despotisme et quèter une pension d’un tyran. Le véritable poëté, c’est M"° Céleste Vien qui le dit :

Des faveurs de Plutus il n'est pas altéré ; Aux caprices du sort son cœur est préparé. En vain les noirs soucis assiégent sa demeure :

Le seuil en est sacré jusqu’à sa dernière heure.

121 Qui pourrait lui ravir la noble liberté Qui conduit le génie à l'immortalité? Le poète, heureux de sa verve fécondé, Sans orgueil foule aux pieds tous les trésors du monde. La fortune au génie imposérait des fers? En esclave il suivrait ses caprices divers ? | Non : de l'indépendance il connaît trop les charmes; L'orage peut gronder, son cœur est sans alarmes: I chante des héros les illustres combats, Et ses hymnes de gloire enfantent des soldats,

L’ame du grand poète est exempte de crainte; Défenseur des vertus il proclame leurs droits ; Par lui, la vérité se fait entendre aux rois :

I] devient courtisan du faible qu’on opprime; Et, pour la délivrer; s'attache à la victime,

Célébrée avec enthousiasme par les journaux ,.

M Dufrénoy ne mérita pas tous les éloges qu’elle a : obtenus. Elève du gracieux Parny , elle n’est trop souvent que la pâle imitatrice de ce grand poète. Les palmes académiques, en venant couronner son poèmé sur la mort de Bayard, sujet héroïque, qu’elle traita avec cette élévation de sentimens, cette force de pensée, et cette pureté de goût dont l'accord est devenu si rare aujourd’hui, encouragèrent un beau

16

122

talent , mais ne lui conférèrent pas ce génie créateur que lui avait’ refusé la nature. M”° Babois, dans la Mort du Rossignol, avait su agrandir le domaine de l'élégie, et ajouter aux deux genres dont a parlé Boileau, l’élégie philosophique que le critique avait ignorée. M” Dufrénoy, chercha aussi à devenir originale , et revêtant de la robe poétique quelques pages de la correspondance de M" Babois , elle essaya de marquer ces nuances délicates qui diffé- rencient l’amour chez les deux sexes : plus passionné chez l’homme, plus tendre chez la femme; plus appa- rent chez nous et plus profond chez elle. Ce but qui aurait ouvert un nouveau champ à lélégie, elle n’en approcha que rarement et ne Patteignit qu’une fois, dans la pièce intitulée : /a Douleur. « On ne peint bien , a dit Châteaubriand , que son propre cœur , en l'attribuant à un autre, » et suivant le chantre d’A tala, « la meilleure partie du génie se compose de souve- nirs. » M” Dufrénoy, mariée à quinze ans à un riche procureur au Châtelet, beaucoup plus âgé qu’elle ; veuve quand linfortune Pavait atteinte, M” Du- frénoyÿ eut-elle beaucoup de pensées d'amour? pou- vait-elle bien peindre les passions qu’elle ne ressentit pas? La vie de M" Dufrénoy , fut une longue série d'infortunes; et dans cet état on peint mal l'amour, car on le montre dépouillé d’espérances et de sou-

:

rirés. Cette femme, qui, au commencement de sa

1923

carrière, jeune, belle, riche , réunissant aux avan- tages de la fortune et de lesprit, un caractère char- mant, une instruction solide et variée, s'était vue aimée par tous, fêtée des littérateurs , des artistes et des savans, se trouva tout-à-coup dépouillée de sa fortune par la tourmente révolutionnaire ; puis en- suite au milieu de ses succés littéraires, dénoncée par la calomnie. Combien de fois, lorsque confinée avec son mari dans le greffe d’une petite ville d’Ita- lie, et condamnée à remplacer ce vieillard aveugle, dans les travaux de son ingrat et modeste emploi, M®*° Dufrénoy, se rappellant ses tems heureux, a- t-elle s’avouer la vérité de ces vers du grand poète, dont elle voyait à ses pieds le tombeau :

Nessum maggior dolore Che ricordasi del tempo félice Nella miséria.

En se présentant au public, comme l'élève de Dufrénoy, M°° Tastu paya un délicat hommage à l'amitié. Qu'il y a loin pourtant entre les tendres, les pieux, les sublimes accens de celle-ci aux élégies de la première. Après les poésies de Delavigne et de Lamartine, il n’en est pas de plus belles, de plus par- faites que celles de M" Tastu. On n’est jamais fati- gué d'admirer la vigueur des pensées, l'élévation des idées , les sentimens patriotiques qui s’échappent du

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sein de cette femme timide, de cette modeste mère de famille. Il faut sortir de France pour trouver une femme poète à comparer à M°* Tastu : c’est M” Fe- licia Hemans. L'une et l’autre savent célébrer l’a- mour et la gloire ; l’une et l’autre ont des chants pour - les vertus civiques et privées; l'une et l’autre réunis- sent dans leurs poésies les qualités des deux sexes : la force et le sentiment. Combien M* Tastu est au-des- sus de Ducis dans ses traductions de Schakespear ! combien elle est au-dessus des autres femmes poètes dans ses propres créations ! Nous voudrions qu’il nous fût possible de reproduire les principales pièces qui firent la réputation de M* Tastu, qui, déjà poëte à treize ans, se faisait admirer dans le Mercure, à dix-sept , et obtenait à sa vingtième année de l’aca- démie de Toulouse , le Lys d’argent, l’amaranthe d’or et le souci de vermeille de Clémence Isaure. Ne faisons qu’une citation. Ne choisissons pas la meil- leure pièce; mais celle qui doit prouver que les femmes peuvent, elles aussi, être bien inspirées par l'amour de la liberté,

LE SERMENT DES TROIS SUISSES.

Ils étaient tous trois! À travers les nuages, - La lune révélait sur leurs mâles visages D'un héroïque espoir les présages vainqueurs : Sous leurs habits grossiers battaient de nobles cœurs.

195 Un serment généreux sort de ces bouches pures, Et l'écho menaçant , par l'écho répété, Redit de monts en monts, avec de sourds murmures : Liberté ! Liberté ! |

On l'entendra ce nom que la Suisse réclame, Comme un céleste accord retentir d’ame en ame; Et déjà, descendu de ces sommets déserts, Puissant, mystérieux , il plane dans les airs ;

A toute heure, en secret, du peuple qu'on opprime Un pouvoir inconnu ranimant la fierté,

Dit au cœur assez fort pour ce fardeau sublime :

Liberté! Liberté!

Orgueilleux Gouverneur , qu'elle terreur te presse?

Pourquoi fermer sur toi la sombre forteresse ?

Ah! de la liberté dénonçant les efforts,

Un traître l'aurait-il livrée à tes trésors?

Non , mais à ton effroi tu sens qu'elle s’éveille ;

Tu lis partout son nom d'un œil épouvanté ;

Partout un Dieu vengeur répète à ton oreille : Liberté! Liberté !

Elle eût dormi long-temps sans cette voix cruelle

Qui tourna vers un fils la flèche paternelle !

Mais les yeux des tyrans d’un bandeau sont couverts ; En croyant les river, ils ont brisé vos fers,

126 Enfans de l'Helvétie ; achevez leur ouvrage : Déjà livrant Gessler à l’abime irrité,

La vengeance de Tell crie au sein de l'orage : Liberté! Liberté!

Liberté, c'est ton jour, ce sol est ton empire; , nulle ambition sous tes traits ne conspire : D'un peuple pauvre et fier toi seule arme les mains; Sur ces pics sourcilleux, vierges de pas humains, L’aigle au vol indompté semble te rendre hommage, Le bleu miroir des lacs réfléchir ta beauté, Et le bruit des torrens dire à l'écho sauvage :

Liberté! Liberté!

Héritier de ces biens , toi qui les abandonnes,

Et soutiens à prix d’or les lointaines couronnes,

D'où vient qu'aux premiers sons d’un air mélodieux,

J'ai vu des pleurs furtifs s'échapper de tes yeux?

Sans doute en l’écoutant tu rêvais ta patrie,

Et des vallons natals l’agreste majesté ;

Sans doute il murmurait à ton âme attendrie : Liberté! Liberté! |

À défaut d’autres citations, proclamons que pres- que toutes les pièces écrites par M"* Tastu sont su- blimes; que V’Echo de la Harpe, la Veille de Noël, le

197

dernier Jour de P Année, l'Enfantde Canaris, la Mort, la Poésie, l Ange Gardien, les Oiseaux du Sacre, le Serment des trois Suisses, sont des chefs-d’œuvre de conception et de composition. Les sentimens y sont vrais et profonds ; les images justes et vives. En les lisant , on s'aperçoit que M"* Tastu a éprouvé, au moins en imagination, tout ce qu’elle a peint. Cest de la véritable poésie ; de la poésie qui convient au 19° siècle. Elle n’est point due à des souvenirs de l'antiquité; mais à des impressions du moment. Tout ce qu’elle exprime appartient au monde moral ou monde réel, et non plus, comme la poésie des écri- vains du siècle de Louis XIV, à une littérature de convention.

Si une femme pouvait disputer à M" Tastu la palme de la poésie, ce serait M” Desbordes -Val- more. Moins éloquente, moins bien inspirée par la muse de la liberté que sa rivale, elle est aussi passion- née, aussi tendre, aussi vraie qu’elle ; et ses vers plus simples, empreints de naïveté et de candeur, excitent peut-être encore une plus douce sympathie. L'amour chez M”° Desbordes n’est pas un art comme chez M” de Genlis, et peut-être aussi comme chez M Dufrénoy; c’est une inspiration sortie pleine de grâce et de virginité du cœur d’une femme et sen- sible et aimante; c’est presque le langage si touchant de la bible, quand Ruth dit à Noëmi : «Ne vous

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oppôsez point à moi, en me forçant à vous quitter et à m'en aller : en quelque lieu vous alliez, j'irai avec vous. Je mourrai vous mourrez ; votre peuple sera mon peuple et votre Dieu sera mon Dieu. » Orpheline à l’âge de quatorze ans; emmenée en Amérique par sa mère qui y mourut presqu’aus- sitôt; effrayée de son isolement sous un ciel étranger, et revenue en France elle se trouva privée de toute espèce de ressources, que de fois la jeune Des- bordes, belle et sensible, dûüt adresser au ciel la prière de la fille d'Israël, et invoquer l’époux que son : imagination lui créait, dont son cœur de vierge, dont sa faiblesse de femme avaient besoin :

Je m'ignorais encor : je n'avais pas aimé:

. La nécessité avait fait M Desbordes actrice et le théâtre de Rouen et l’Opéra-Comique de Paris furent témoins de ses succès : on dit que dans les rôles tendres, qu’elle jouait de préférence, l'actrice p’était pas toujours maitresse de sa sensibilité, et que souvent sa voix s’éteignait dans les sanglots. Cette débilité touchante, mais funeste à l’art; el surtout les dégoûts inséparables de la profession de comédienne, au miliea d’opinions sociales qui tour-à-tour encen- sent et flétrissent ceux qui l’exercent, devaient faire le désespoir d’une ame à exaltation nerveuse qui ne. _ vivait pour ainsi-dire que dans les larmes. Elle n’y

1929 put résistér ; elle quitta la scène. Je n’ai pu, dit . ‘dans une élégie charmante :

Je n'ai pu supporter ce bizarre mélange, De triomphe et d'obscurité, l'orgueil insultant nous punit et se venge

D'un éclair de célébrité.

‘Cest après avoir quitté le théâtre que M" Des- bordes, devenue M" Valmore par son mariage avec l'acteur tragique de ce nom, se livra à son talent pour la poésie, ayant des envieux, mais pas d’ennemis; car conime l’a dit un de ses amis : à la différence de M Dufrénoy, qui conservait rancune à ceux qui l'avaient fait souffrir, M"° Desbordes-Valmore les dimait encore et leur pardonnait leurs offenses. Ceux qui ont vécu dans l’intimité de M” Desbordes, la peignent comme la meilleure des femmes; répon- dant aux traits méchants de ses rivales : « malgré les chagrins qu’elles me font je ne puis les haïr, » et professant ainsi avec nous cette maxime : qu’un homme véritablement humain peut n’être pas l’ami d’un autre homme, mais qu’il n’est jamais son en- nemi. Dans la conversation comme dans ses écrits, M Desbordes s’abandonne sans calcul , à tout l’é- panchement de son ame; ses discours paraissent beaux lors même qu'ils sont médiocres ; ét sublimes:

17

130 Jorsqu’ils sont beaux. C’est elle, qui, après avoir été si long-temps malheureuse, rencontrant une ame faite pour comprendre la sienne, a pu s’écrier avec Byron :

1 love, and shall be beloved; oh life ! At last I feel thee

I1 y a dans lesnombreux écrits de M" Desbordes: Valmore : élégies , fables, idylles, romances, un mol abandon, un naïf laisser-aller, qui ressemble: à ce baiser qu’une jeune et timide beauté, pour la pre mière fois, laisse prendre. Soit excès de souffrance ou excès de franchise , ses peines de vierge, de femme ; d'artiste, sont révélées avec une naïveté dont la fausse pudeur d’une Maintenon pourrait faire sem- blant de s’effaroucher, mais qui, aveux d’un cœur chaste , secrets d’un oreiller virginal, nous représen- tent M=° Desbordes, comme la jeune fille chrétienne au sortir de la confession, pouvant lever : son voile sans rougir.

La lyre de notre poète s'accorde à tous les sons; chante tous les plaisirs, gémit pour toutes les infor- tunes. Elle sait célébrer le bonheur des champs; dire les peines du proscrit ; raconter les tourmens de l’a- mour. Elle mêle la pensée de la mort à ses accens; proclame la grandeur de Dieu, et donne d’instruc- tives leçons à l’enfance. Le conte intitulé : l£colier,

131 que nous allons analyser , est ce que je connais de plus gentil, de plus vrai, de plus gracieux

L'ÉCOLIER.

Un tout petit enfant s'en allait à l’école.

On avait dit : Allez ‘.…. il tâchait d’obéir ; Mais son livre était lourd! il ne pouvait courir. I pleure, et suit de loin une abeille qui vole.

« Abeille, lui dit-il, voulez-vous me parler?

Moi, je vais à l’école : il faut apprendre à lire.

Mais le maître est tout noir, et je n'ose pas rire! Voulez-vous rire, abeille? et m'apprendre à voler? »

La réponse de l'abeille, c’est qu’elle n’a pas le tems. Il faut faire du miel tandis que les jours sont beaux et qu’il y a des roses. |

Passe une hirondelle. L'enfant lui dit bonjour ; et lui propose de jouer. La voyageuse lui répond comme l'abeille : Elle voudrait bien , rmais elle a son nid à refaire; ses sœurs à prévenir du retour du printemps. Elle s'envole.

L'enfant voit un dogue, et pletrant à moitié, 1] lui dit : |

Bon dogue, voulez-vous que je m'approche un peu? stose +. Je n'aime pas mon livre;

Voyez! ma main est rouge, il'en est cause, Au jeu,

132 Rien ne fatigue, on rit ; et moi je voudrais vivre Sans akrer à l’école l’on tremble toujours. Je m'en plains tous les soirs, et j'y vais tous les jours, J'en suis très mécontent. Je n’aime aucune affaire. Le sort des chiens me plaît, car ils n’ont rien à faire.

Mais le dogue, en retenant sa grosse voix, fui montre dans les champs le laboureur et le bœuf qui travaillent; lui explique comment il faut que les chiens veillent la nuit, éveillent les gens au matin, gardent la ferme pendant le ur) Il conclut par lé- loge du travail.

« Par le travail tout plait, tout s’unit, tout s’arrange,

Allez donc à l'école, allez, mon petit ange!

Les chiens ne lisent pas, mais la chaîne est pour eux. L'ignorance toujours mène à la servitude.

L'homme est fin , l'homme est sage ; il nous défend l'étude Enfant, vous serez homme et vous serez heureux.

Les chiens vous serviront. » L'enfant l'écouta dire

Et imnême :1l le baisa.

Ge dernier traït est. charmant et digne de Lafon- taine. Il prépare le dénoûment exprimé par ces deux Vers : |

A l'école, un peu tard, il arrive gaîment

Et dans le mois des fruits il lisait couramment,

133

- À reste. encore pour complèter ce tableau des. femmes poètes françaises du 19° siècle, à citer les noms de M°* la comtesse de Beaufort d’'Haulipoul, auteur de plusieurs romans, d’un grand nombre de compilations à l’asage de la jeunesse et de quelques poésies légères qui ne manquent ni de grace ni de. facilité ; de M°° la baronne d’Ordre , connue par des romances assez jolies ; de M” Sophie Gail, la, première femme de notre France qui se soit fait un. nom dans l’art de la composition musicale; dont les. chansons , telles que l’Ingenue et l Absence, récla- meraient sans doute une robe un peu plus pudique, mais dont les romances sont des modèles de déli- catesse et de pureté; de M Minettte, dont les. vers portent le cachet de Poriginalité ; de M°° la duchesse d’Abrantès, dont nous avons lu quelques: couplets empreints de douceur, de mélancolie et de grâce, M” Sophie Maillard de Chambure est en- core un poète qu’il serait injuste d'oublier. Si dansla chanson f’en souviens-tu ? on aperçoit trop la beauté. qui noue mal sa ceinture afin de mettre mieux à nu tous les secrets de son cœur d’amante, dans l'Ecuyer du duc d’Enghien, elle montre une sensibilité vraie et pure; et les regrets que lui arrache une grande in- fortune, sont bien ceux du poète qu’inspire la muse . plaintive de l'élégie.

M'* Sophie Maillard de Chambure avait chanté un

134

prince làächement assassiné ; M°®° la comtesse Vic- torine de Beaunay voulut célébrer la venue d’un enfant-roi, que le trône attendait et que l'exil a reçu; mais ses vers, adressés au duc de Bordeaux, aux jours de sa puissance, sont faibles, comme tout ce que la louange de commande inspire. Une simple cou- turière, M Zoé Michaud, a également essayé dans deux odes, de célébrer une fille et une mère de roi, et comme M de Beaunay, elle a été médiocre et am- poulée. M” Ceré-Barbé n’a pas été plus heureuse en publiant, sous les auspices de Louis xviEx, un vo- lame de poésies religieuses; ses chants attristent plutôt qu'ils ne consolent l’ame : ce n’est pas l’évangile comme le Christ nous Pa révélé. Il ya des pièces char- mantes dans le recueil de poésies de M"*° Evelines- Désorméry , et de hautes pensées dans l’Hirondelle Athénienne de d'Hervilly; mais ce sont des poètes encore peu exercés, qui ont besoin d’étude; qui écrivent trop sans préparation; chez lesquels mille pensées de détail viennent à travers la pensée principale, la brisent incessamment et apportent du vague dans l’idée mère de leurs compositions. Il faut le dire , pareilles à ces épouses, au surlendemain d’un heureux hyménée, qui, paresseuses et négligées lais- sent traîner leurs pas, et abandonnent au vent leur chevelure, beaucoup de nos jeunes muses nuisent : aux charmes de leurs vers par cette mollesse aban-

135 donnée qui cache, il est vrai encore, une indicible grace, mais qui ne vaut pourtant pas la beauté. Ce dé- faut, nonchalance de l'esprit , qu’on peut reprocher à M: Dhervilly, nese rencontre ni dans les poésies M"* Davot , ni dans celles de M°* Aline M... La pre- mière, fondateur du Petit Courrier des Dames , auteur de plusieurs romances, et d’une élégie intitulée : Za Jeune Fille mourante, morceau touchant exprimé avec cette vérité que ne peut avoir la fiction, et qui fait penser que le poète a aussi connu le dégoût de la vie. La seconde , muse tendre et modeste, parle dans ses élégies, comme un sage, quand c’est en amante passionnée qu’elle chérit ; écoutez-là nous con- seiller de fuir tout ce qui peut nous donner des pens sées d'amour :

Il n’est pas bon, quand on porte un cœur tendre, Quand tous les feux qu'on respire à vingt ans Dans un œil noir se font assez comprendre,

Il n’est pas bon de demeurer aux champs.

tout jouit, tout aime , tout soupire :

C'est pour l'amour que chantent ces oiseaux, C’est de l'amour que souffle ce zéphyre,

Et c'est l'amour qui créa ces berceaux!

, E e [2 e e [2 e e e e e e La

Nous l'avons vu : la femme peut disputer à l’homme la palme de la poésie ; illustre dans les lettres, il se-

136 |

rait facile de prouver qu’elle peut lêtre encore dans les sciences. Suivant nous, rien n’est au-dessus de l'intelligence des femmes. Si nous voulions feuilleter l’histoire, nous verrions leur influencée se montrer partout, et devenir salutaire ou nuisible, selon leurs vertus ou leurs vices, leur instruction l’abrutisse- ment dans lequel l’homme les a trop souvent, ét à dessein , retenues. Le tems est venu de rompre le dernier anneau qui les retient encore attachées à la servitude. Vite donc, plus de loi salique ni en po- litique, ni dans les sciences, ni dans les arts, ni en morale, Dieu a fait les femmes nos égales ; Rousseau a dit plus et a dit avec vérité : que les hommes seront toujours ce qu’il plaira aux femmes ; si vous voulez donc que les hommes deviennent grands et vertueux, apprenez aux femmes ce que c’est que grandeur d’ame et vertu.

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Stograttine

DES SUJETS DE PRIX, POUR js RE EN 1832.

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La Société royale d'Arras propose pour prix à dé- cerner en 1832, les sujets suivans :

a" SUJET, UTILITÉ PUBLIQUE.

. Avantages et inconvénients des plantations des routes.

. On a long-tems pensé que tout était utilisé dans les plantations des routes : reproduction d’un combus- tible qui devient de plus en plus rare , du bois pour le charronnage et autres usages journaliers , conser- vation des accôtemens et des digues des routes , abri Pour les voyageurs contre les ardeurs du soleil , indi- cation dans les tems de nejge , etc., etc. Maintenant

| | 18

mn 138

un grand nombre de voix s’élèvent pour proscrire ces plantations, prétendent qu’elles sont la principale ou du moins l’une des principales causes de la dégra- dation des routes, par l’humidité qu’elles y entre- tiennent en les privant de l’action de l’air et du soleil; or, comme la viabilité est la première condition des routes ; s’il était prouvé que les plantations la dé- truissent, pas de doute qu’elles ne dussent être pros- crites. On demande que, balance faite des avantages et des inconvéniens, on établisse si elles sont plus utiles que nuisibles.

Prix : Une médaille d’or de la valeur de 200 fr. _2=° SUJET. ÉCONOMIE RURALE.

Une instruction élémentaire ou un manuel sur les avantages de la culture et des transports ruraux pour les bœufs. |

Les préjugés et la routine l’emportent; la culture et les transports ruraux sont exécutés par les chevaux dans ce pays ; l'ouvrage se fait plus vite par les che- vaux ; voilà le seul motif que l’on allègue avec lusage et l’habitude pour leur donner la préférence ; le prix de ces animaux coûte un capital onéreux pour le cul- tivateur , capital entiérement perdu après quelques années ; le prix des bœufs est retrouvé avec bénéfice quand ils ont cessé de rendre des services. La nourri-

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: ture des premiers est très coûteuse, celle des seconds l’est beaucoup moins; les uns sont exposés à beau- coup plus de aldies que les autres , etc., eto., etc,

On demande que les avantages de la culture et-des transports ruraux par les bœufs soient présentés avec simplicité, clarté et précision, de manière que le mé- moire qui aurait le prix puisse former une instruction que la Société ferait imprimer et distribuer aux Poe tivateurs.

Prix : Une médaille d’or de la valeur de 100 fr.

âme SUJET. LITTÉRATURE. _

Quelles sont les causes de la décadence de l’art dra: matique en France?

Prix : Une médaille d’or de la valeur de 200 fr: ane SUJET. POÉSIE, oo Un épisode (de 200 vers au moins), de la guerre

de l'indépendance de l'Amérique FRÉRORRe ‘aw choix de l’auteur. -

Prix : Une médaille d’or de 200 fr. 5=° SUJET. BEAUX - ARTS. Une Composition lithographiée , dont la dimension

sera d'au moins huit pouces de longueur sur une hau- eur proporiionnée:

140

Le sujet, tiré de la bataille d’Azincourt, sera celui le duc d’Alençon, suivi de 18 cavaliers, perce à travers les archers et les gendarmes anglais jusqu’à leur roi, près duquel, d’un premier coup de cime- terre, tue le duc de Glocester , et du second fend la couronne du monarque qui s'était jeté au-devant de son frère , tombé près de lui.

L'auteur restera propriétaire de sa olanche , dont il pourra tirer tel parti qu’il jugera convenable , après avoir adressé à la Société 34 épreuves sur papier or- dinaire et une sur papier de Chine.

Prix : Une médaille d’or de la valeur de 200 fr. CONDITIONS GÉNÉRALES.

_ Les ouvrages envoyés au concours pour 1832 , de- vront être adressés, francs de port, à M. le secrétaire perpétuel, et être parvenus avant le 1” octobre 1832, terme de rigeur.

Les concurrens ne se feront connaître ni direc- tement, ni indirectement : ils joindront à leur ou- vrage un billet cacheté qui contiendra leurs nom; prénoms, qualité et domicile, et indiquera extérieu- rement l'épigraphe mise en tête de l’ouvrage envoyé au concours, afin d'éviter toute erreur.

Aux termes du réglement de la Société royale, on ne fera l’ouverture que des billets applicables aux ou-

I41

vrages couronnés ou mentionnés honorablement, et elle aura lieu en séance publique; les autres billets seront brülés sans être ouverts.

La Société ne rendra aucun des ouvrages qui lui auront été adressés. |

Les membres résidans et honoraires sont seuls ex- clus du concours.

Le Président, Puiuis. Le Secrétaire perpétuel, TT. CoRNILLE.

NOMS DES AUTEURS

_ DONT LES OUVRAGES ONT ÉTÉ COURONNÉS OU MENTIONNÉS HONORABLEMENT AU CONCOURS DE 1831.

POÉSIE. . . . . La Liberté ranimant les cendres de Guil- Prix. laume Tell, sur les monts Helvétiens, par M. Raphaël Gasa, de Paris.

ENSEIGNEMENT. . Modifications dont il est susceptible, par Pri, M. Riva, chef d'institution à Paris.

BANQUE DE PRÊT. M. Lecar, avocat, à la Cour royale de Mention honorable, Paris,

A MM WMA VU LE IL WRIV

Table.

Discours d'ouverture, par M. Philis, président. . . . Rapport sur les travaux de la Société, par M, Harbaville ; secrétaire-adjoint, , . . .-. . . st à à

Rapport sur les concours, par M. Leducq, membre résidant.

La liberté ranimant les cendres de Guillaume Tell, sur les

monts Helvétiens, poème par M. Raphaël Gaba, de Paris, Examen sur la question suivante : Quelles sont les modifi- cations utiles et faciles à introduire dans l’enseignement ac- tuel des colléges, par M. Rivail, chef d'institution à Paris. Epitre à un ami, par M. Sauvage, membre résidant. , Les Femmes poètes françaises du 19° siècle , par M. Frédéric Degeorge , membre résidant. . . . . . . . . .

Programme des sujets de prix, pour être décernés en 1832.

Noms des auteurs dont les ouvrages ont été couronnés ou

mentionnés honorablement au concours de 1831. .

ERRATA.

Page 14, ligne 18, au lieu de compertent , lisez : comportent.

Page 18, ligne 24, au lieu de, lisez : que.

Page 32, avant-dernière ligne, au lieu dune épitre au peuple de St.-Thomas, hsez : d’une épttre au peuple de Thomas.

Page 44, ligne 9, au lieu de {es hommages aux crimes, lisez : les hommes au crime, :

Même page, à l’avant-dernière ligne, au lieu de sur {a maniére d’être , lisez : sur sa manière d’être.

Page Go, ligne 29, au lieu de s’abandonner, lisez : Pabandonner,

Page 71, 1°° ligne, au lieu de fait l'admiration, lises : font l'admiration.

Page 79, la 10° ligne est à supprimer.

Page 80, ligne 3, au lieu de joignant, lisez : joignent.

Même page, ligne 7, au lieu des positions, lisez : disposition,

Page 82, ligne 4, au lieu la spécialité, lisez : sa spécialité.

Page 86, ligne 19, au lieu de leur part, lisez : leur parti,

Même page, ligne 25, au lieu de passant, lisez : passent.

Page 88, ligne 11, au lieu des uns des autres, lisez : les uns des autres.

Page 90, ligne 2, au lieu de forcer, lisez : force.

Page 103, ligne 5, au lieu de percepteurs, lisez : précepteurs,

Page 104, ligne 15, au lieu de supplaint, lisez : suppliant.

Page 123, ligne 15, au lieu de nessum, lisez : nessun,

MHème page, ligne suivante, au lieu de ricordasi, lisez : ricordarsi,

Arras. G. SOUQUET, imprimeur du Propagateur.

ges,

8004172074

b8300417/7227/6a